REIMS QI GONG, Qi Gong - Taiji Quan
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Hésiode - VIIIe siècle av. J.-C.



Théogonie

...Mais à quoi bon tous ces mots autour du chêne et du rocher ? Or, sus, commençons donc par les Muses, dont les hymnes réjouissent le grand coeur de Zeus leur père, dans l'Olympe, quand elles disent ce qui est, ce qui sera, ce qui fut, de leurs voix à l'unisson. Sans répit, de leurs lèvres, des accents coulent, délicieux, et la demeure de leur père, de Zeus aux éclats puissants, sourit, quand s'épand la voix lumineuse des déesses. La cime résonne de l'Olympe neigeux, et le palais des Immortels, tandis qu'en un divin concert leur chant glorifie d'abord la race vénérée des dieux, en commençant par le début, ceux qu'avaient enfantés Terre et le vaste Ciel; et ceux qui d'eux naquirent, les dieux auteurs de tous bienfaits; puis Zeus, à son tour, le père des dieux et des hommes , montrant comme, en sa puissance, il est le premier, le plus grand des dieux; et enfin elles célèbrent la races des humains et celles des puissants Géants, réjouissant ainsi le coeur de Zeus dans l'Olympe, les Muses Olympiennes, filles de Zeus qui tient l'égide.
C'est en Piérie qu'unie au Cronide, leur père, les enfanta Mnémosyne, reine des coteaux d'Éleuthère, pour être l'oubli des malheurs, la trêve aux soucis. À elle, neuf nuits durant, s'unissait le prudent Zeus, monté, loin des Immortels, dans sa couche sainte. Et quand vint la fin d'une année et le retour des saisons, elle enfanta neuf filles, aux coeurs pareils, qui n'ont en leur poitrine souci que de chant et gardent leur âme libre de chagrin, près de la plus haute cime de l'Olympe neigeux. Là sont leurs choeurs brillants et leur belle demeure. Les Grâces et Désir près d'elles ont leur séjour.
Et lors elles prenaient la route de l'Olympe, faisant fièrement retentir leur belle voix en une mélodie divine; et, autour d'elles, à leurs hymnes, résonnait la terre noire; et, sous leurs pas, un son charmant s'élevait, tandis qu'elles allaient ainsi vers leur père, celui qui règne dans l'Olympe, ayant en mains le tonnerre et la foudre flamboyante, depuis qu'il a, par sa puissance, triomphé de Cronos, son père, puis aux Immortels également réparti toutes choses et fixé leurs honneurs. Et c'est là ce que chantaient les Muses, habitantes de l'Olympe, les neuf soeurs issues du grand Zeus, Clio, Euterpe, Thalie et Melpomène —Terpsichore, Ératô, Polymnie, Uranie et Galliope enfin, la première de toutes.
C'est elle en effet qui justement accompagne les rois vénérés. Celui qu'honorent les filles du grand Zeus, celui d'entre les rois nourrissons de Zeus sur qui s'arrête leur regard le jour où il vient au monde, celui-là les voit sur sa langue verser une rosée suave, celui-là de ses lèvres ne laisse couler que douces paroles. Tous les gens ont les yeux sur lui, quand il rend la justice en sentences droites. Son langage infaillible sait vite, comme il faut, apaiser les plus grandes querelles. Car c'est à cela, qu'on connaît les rois sages, à ce qu'aux hommes un jour lésés ils savent donner, sur la place, une revanche sans combat, en entraînant les coeurs par des mots apaisants. Et quand il s'avance à travers l'assemblée, on lui fait fête comme à un dieu, pour sa courtoise douceur, et il brille au milieu de la foule accourue. Tel est le don sacré des Muses aux humains. Oui, c'est par les Muses et par l'archer Apollon qu'il est sur terre des chanteurs et des citharistes, comme par Zeus il est des Rois Et bienheureux celui que chérissent les Muses, de ses lèvres coulent des accents suaves. Un homme porte-t-il le deuil dans son coeur novice au souci et son âme se sèche-t-elle dans le chagrin ? Qu'un chanteur, servant des Muses, célèbre les hauts faits des hommes d'autrefois ou les dieux bienheureux, habitants de l'Olympe : Vite, il oublie ses déplaisirs, de ses chagrins il ne se souvient plus ; le présent des déesses l'en a tôt détourné.
Salut, enfants de Zeus, donnez-moi un chant ravissant. Glorifiez la race sacrée des Immortels toujours vivants, qui naquirent de Terre et de Ciel Étoilé, ou de la noire Nuit, ceux aussi que nourrissait Flot Salé — dites-nous comment, avec les dieux, naquirent tout d'abord la terre, les fleuves, la mer immense aux furieux gonflements, les étoiles brillants,le large ciel là-haut ; — puis ceux qui d'eux naquirent, les dieux auteurs de tous bienfaits, et comment ils partagèrent leurs richesses, comment entre eux ils répartirent les honneurs, et comment ils occupèrent d'abord l'Olympe aux mille replis. Contez-moi ces choses, ô Muses, habitantes de l'Olympe, en commençant par le début, et, de tout cela, dites-moi ce qui fut en premier.

Les premiers dieux - Terre et Ciel - Les Titans
Donc avant tout, fut Abîme; puis Terre aux larges flancs, assise sûre à jamais offerte à tous les vivants et Amour, le plus beau parmi les dieux immortels, celui qui rompt les membres et qui, dans la poitrine de tout dieu comme de tout homme, dompte le coeur et le sage vouloir.
D'Abîme naquirent Érèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Éther et Lumière du Jour. Terre, elle, d'abord enfanta un être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. Elle mit aussi au monde les hautes Montagnes, plaisant séjour des déesses, les Nymphes, habitantes des monts vallonés. Elle enfanta aussi la mer inféconde aux furieux gonflements, Flot — sans l'aide du tendre amour. Mais ensuite, des embrassements de Ciel, elle enfanta Océan aux tourbillons profonds,— Coios, Crios, Hypérion, Japet — Théia, Rhéia, Thémis et Mnémosyne, — Phoibé, couronnée d'or, et l'aimable Téthys. Le plus jeune après eux, vint au monde Cronos, le dieu aux pensers fourbes, le plus redoutable de tous ses enfants ; et Cronos prit en haine son père florissant.
Elle mit au monde les Cyclopes au coeur violent, Brontès, Stéropès, Arghès à l'âme brutale , en tout pareils aux dieux, si ce n'est qu'un seul oeil était placé au milieu de leur front. Vigueur, force et adresse étaient dans tous leurs actes.
D'autres fils naquirent encore de Ciel et Terre, trois fils grands et forts,qu'à peine on ose nommer, Cottos, Briarée, Gyès, enfants plein d'orgeuil. Ceux-là avaient chacun cent bras, qui jaillissaient, terribles, de leurs épaules, ainsi que cinquante têtes, attachées sur l'épaule à leurs corps vigoureux. Et redoutable était la puissante vigueur qui complétait leur énorme stature.
Car c'étaient de terribles fils que ceux qui étaient nés de Terre et de Ciel, et leur père les avait en haine depuis le premier jour. À peine étaient-ils nés qu'au lieu de les laisser monter à la lumière, il les cachait tous dans le sein de Terre, et tandis que Ciel se complaisait à cette oeuvre mauvaise, l'énorme Terre en ses profondeurs gémissait, étouffant. Elle imagine alors une ruse perfide et cruelle. Vite, elle crée le blanc métal acier ; elle en fait une grande serpe, puis s'adresse à ses enfants, et, pour exciter leur courage, leur dit, le coeur indigné : « Fils issus de moi et d'un furieux, si vous voulez m'en croire, nous châtierons l'outrage criminel d'un père, tout votre père qu'il soit, puisqu'il a le premier conçu oeuvres infâmes ».
Elle dit ; la terreur les prit tous, et nul d'eux ne dit mot. Seul, sans trembler, le grand Cronos aux pensers fourbes réplique en ces termes à sa noble mère : « C'est moi, mère, je t'en donne ma foi, qui ferai la besogne. D'un père abominable je n'ai point de souci, tout notre père qu'il soit, puisqu'il a le premier conçu oeuvres infâmes ».
Il dit, et l'énorme Terre en son coeur sentit grande joie. Elle le cacha, le plaça en embuscade, puis lui mit dans les mains la grande serpe aux dents aiguës ; et lui enseigna le piège. Et le grand Ciel vint, amenant la nuit ; et, enveloppant Terre, tout avide d'amour, le voilà qui s'approche et s'épand en tout sens. Mais le fils, de son poste, étendit la main gauche, tandis que, de la droite, il saisissait l'énorme, la longue serpe aux dents aiguës ; et brusquement, il faucha les bourses de son père, pour les jeter ensuite, au harsard, derrière lui. Ce ne fut pas pour autant un vain débris qui lors s'enfuit de sa main. Des éclaboussures sanglantes en avient jailli ; Terre les reçut toutes, et, avec le cours des années, elle en fit naître les puissantes Érinyes, et les grands Géants aux armes étincelantes, qui tiennent en leurs mains de longues javelines, et les Nymphes aussi qu'on nomme Méliennes, sur la terre infinie. Quand aux bourses, à peine les eut-il tranchées avec l'acier et jetées de la terre dans la mer aux flux sans repos, qu'elles furent emportées au large, longtemps ; et, tout autour, une blanche écume sortait du membre divin. De cette écume une fille se forma, qui toucha d'abord à Cythère la divine, d'où elle fut ensuite à Chypre qu'entourent les flots ; et c'est là que prit terre la belle et vénérée déesse qui faisait autour d'elle, sous ses pieds légers, croître le gazon et que les dieux aussi bien que les hommes appellent Aphrodite, pour s'être formée d'une écume, ou encore Cythérée, pour avoir abordé à Cythèrè. Amour et le beau Désir, sans tarder, lui firent cortège, dès qu'elle fut née et se fut mise en route vers les dieux. Et, du premier jour, son privilège à elle, le lot qui est le sien, aussi bien parmi les hommes que parmi les Immortels, ce sont les babils de fillettes, les sourires, les piperies ; c'est le plaisir suave, la tendresse et la douceur.
Mais le père, le vaste Ciel, les prenant à parti, aux fils qu'il avait enfantés donnait le nom de Titans : à tendre trop haut le bras, ils avaient, disait-il, commis dans leur folie un horrible forfait, et l'avenir en saurait tirer vengeance.

Les enfants de Nuit
Nuit enfanta l'odieuse Mort, et la noire Kère, et Trépas. Elle enfanta Sommeil et, avec lui, toute la race des Songes — et elle enfanta seule, sans dormir avec personne, Nuit la ténébreuse. Puis elle enfanta Sarcasme, et Détresse la douloureuse, et les Hespérides , qui, au delà de l'illustre Océan, ont soin des belles pommes d'or et des arbres qui portent tel fruit. Elle mit au monde aussi les Parques et les Kères , implacables vengeresses, qui poursuivent toutes fautes contre les dieux ou les hommes, déesses dont le redoutable courroux jamais ne s'arrête avant d'avoir au coupable, quel qu'il soit, infligé un cruel affront. Et elle enfantait encore Némésis, fléau des hommes mortels, Nuit la pernicieuse; — et, après Némésis, Tromperie et Tendresse — et Vieillesse maudite, et Lutte au coeur violent. Et l'odieuse Lutte, elle, enfanta Peine la douloureuse, — Oubli, Faim, Douleurs larmoyantes, — Mêlees, Combats, Meutres, Tueries, — Querelles, Mots menteurs, Disputes, — Anarchie et Désastre, qui vont de compagnie, — Serment enfin, le pire des fléaux pour tout mortel d'ici-bas qui, de propos délibéré, aura commis un parjure.
Flot et sa descendance Flot engendra Nérée, sincère et franc, l'aîné de ses enfants. On l'appelle le Vieux, parce qu'il est loyal et bénin à la fois, que jamais il n'oublie l'équité, qu'il ne connaît qu'honnêtes et bénignes pensées. Puis, uni à Terre, il engendra encore le grand Thaumas, le valeureux Phorkys, Kétô aux belles joues, Eurybié enfin, dont la poitrine enferme un coeur d'acier.
Et, à Néré, des filles enviées entre les déesses, au milieu de la mer inféconde, naquirent de Doris, Doris aux beaux cheveux, la fille d'Océan, le fleuve sans rival : Plôtô et Eucranté, Saô et Amphitrite, — Eudôré et Thétis, Galéné et Glauké, — Cymothoé, Speiô, Thoé, et la gente Halié — Pasithée, Ératô, Eunice aux bras de rose, — la gracieuse Mélite, Eulimène, Agavé, — Dôtô, Prôtô, Phéruse et Dynamène, — et Nisée et Actée, et Prôtomédéia, — Dôris et Panopé, la jolie Galatée, — la gente Hippothoé, Hipponoé aux bras de rose, Cymodocée, qui, sur la mer brumeuse, sans peine apaise la houle et le souffle des vents furieux, avec Cymatolège et Amphitrite aux jolies chevilles. — et Cymô, Élioné, Alimède au front couronné, — Glauconomé, qui se plaît au sourire, et Pontoporéia, — Léagoré, Évagoré, Laomédéia, — Polynoé, Autonoé, Lysianassa , — Psamathée au corps gracieux et Ménippé la divine, — Nésô et Eupompé, Thémistô, Pronoé, — Loyale enfin, dont l'âme est l'âme même de son père immortel. Telles furent les cinquante filles de Nérée, le dieu accompli, qui ne savent qu'oeuvres accomplies.
Thaumas prit pour épouse Électre, la fille d'Océan au cours profond ; et Électre enfanta Iris la rapide et les Harpyes chevelues, Bourrasque et Volevite, qui tiennent tête aux oiseaux et aux souffles des vents, avec leurs ailes rapides ; car, (sitôt nées,) elles s'élançaient dans les airs.
À Phorkys Kétô enfanta les Grées au belles joues. Chenues du jour de leur naissance, elles sont appelées Grées aussi bien des dieux immortels que des humains dont les pieds foulent cette terre, Pamphédô aux beaux voiles, Ényô aux voiles safranés. Elle entanta également les Gorgones qui habitent au delà de l'illustre Océan, à la frontière de la nuit, aux pays des Hespérides sonores, Sthennô, euryale, Méduse à l'atroce destin. Méduse était mortelle, alors que ses deux soeurs ne devaient connaître ni la mort ni la vieillesse. Elle seule en revanche vit s'étendre près d'elle le dieu aux crins d'azur, dans la tendre prairie, au milieu des fleurs printanières.
Et, quand Persée lui eut tranché la tête, le grand Chrysaor surgit, avec le cheval Pégase. Tous deux reçurent ces noms, l'un parce qu'il était né aux bords des flots d'Océan, l'autre parce qu'en ses mains il tenait une épée d'or. Et Pégase, prenant son vol, quitta la terre, mère des brebis, et s'en fut vers les Immortels. Il habite aujourd'hui le palais de Zeus, portant le tonnerre et la foudre pour le compte du prudent Zeus.
Chrysaor engendra Géryon aux trois têtes, uni à Calliorhoé, fille de l'illustre Océan. Celui-là, Héraclès le Fort le tua, près de ses boeufs à la démarche torse, dans Erythée qu'entourent les flots, le jour où il poussa ces boeufs au large front vers la sainte Tirynthe, après avoir franchi le cours d'Océan et tué ensemble Orthos et Eurytion le bouvier, dans leur parc brumeux, au delà de l'illustre Océan.
Elle enfanta aussi un montre irrésistible, qui ne ressemble en rien ni aux hommes mortels ni aux dieux immortels. Au creux d'une grotte naquit la divine Échidna à l'âme violente. Son corps est pour moitié d'une jeune femme aux belles joues et aux yeux qui pétillent, pour moitié d'un énorme serpent, terrible autant que grand, tacheté, cruel, qui gîte aux profondeurs secrètes de la terre divine. C'est là qu'elle aussi a sa grotte, en bas, sous un rocher creux, loin des dieux immortels et des hommes mortels ; là est l'illustre demeure que lui ont départie les dieux : c'est sous la terre, aux pays des Arimes, qu'a été retenue l'atroce Échidna, dont la jeunesse doit échapper à jamais à la vieillesse et à la mort.
À elle, dit-on, s'unit d'amour Typhon — le terrible, l'insolent bandit à la vierge aux yeux qui pétillent — et de lui elle conçut et enfanta des enfants au coeur violent. Elle mit d'abord au monde Orthos, le chien de Géryon. — Après lui, elle enfantait encore un monstre irrésistible, qu'à peine on ose nommer, le cruel Cerbère, le chien d'Hadès, à la voix d'airain, aux cinquante têtes, implacable et puissant. — Et, après ces deux-là, elle mit encore au monde Hydre, qui ne sait qu'oeuvres atroces, le monstre de Lerne, qu'Héra la déesse aux bras blancs avait fait grandir pour satisfaire son effroyable haine contre Héraclès le Fort. Mais le fils de Zeus, l'enfant d'Amphitryon, Héraclès, la détruisit d'un airain impitoyable, avec l'aide du belliqueux Iolaos et des conseils d'Athéna, la ramasseuse de butin. — Elle enfantait aussi Chimère, qui souffle un feu invincible, Chimère , terrible autant que grande, rapide et puissante, qui possède trois têtes, l'une de lion à l'oeil ardent, l'autre de chèvre, l'autre de serpent, de puissant dragon. Celle-là, ce fut Pégase qui en triompha, avec le preux Bellérophon. — Elle enfanta encore, après avoir subi la loi d'Orthos, Phix la pernicieuse , désastre pour les Cadméens, et le lion de Némée, que la noble épouse de Zeus, Héra, avait fait grandir dans les vallons de Némée, fléau des humains. Là, il décimait le peuple de la déesse et régnait en maître sur les monts néméens de Trète et d'Apésas. Mais il succomba sous le bras vigoureux d'Héraclès le Fort.
Et, unie d'amour à Phorkys, Kétô lui donna pour dernier enfant un terrible serpent, qui caché sous la noire terre, au milieu de ses immenses anneaux, garde des moutons tout en or. Telle est la descendance de Phorkys et Kétô.

La descendance des Titans — Océan et Téthys
Téthys à Océan enfanta les fleuves tourbillonnants, — Nil, Alphée, Éridan aux tourbillons profonds, — Strymon, Méandre, Istros aux belles eaux courantes — Phase, Rhésos,Achélôos aux tourbillons d'argent, — Nessos, Rhodios, Halliacmon, Heptaporos, — Grénicos, Aisépos, le divin Simoïs, — Pénée, Hermos, et Caïque au beau cours, — le grand Sangarios, Ladon, Parthénios, — Événos, Ardescos et le divin Scamandre .
Elle enfantait aussi une race sainte de filles qui, avec sire Appolon et les Fleuves, nourrissent la jeunesse des hommes et tiennent ce lot de Zeus même : Peithô, Admète, Ianthé, Électre, Dôris, Prymnô, Uranie à l'aspect divin, — Hippô, Clymène, Rhodée, Callirhoé, — Zeuxô, Clitie, Idye, Pasithoé, — Plexaure, Galaxaure, Dioné la charmante, — Mélobosis, Thoé, la jolie Polydore, — Kerkéis, grande et belle, Ploutô aux yeux de vache, — Perséis, Ianeira, Acasté et Xanthé, — la gente Pétraié, Ménesthô et Europe, — Métis, Eurynomé, Télestô aux voiles safranés, — Chryséis et Asie, Calypso la ravissante, — Eudore et Tyché, Amphirhô et Okyrhoé, — Styx enfin, la première de toutes. Telles sont les filles aînées de Téthys et d'Océan. Mais il en est bien d'autres. Elles sont trois mille, les Océanines aux fines chevilles, qui, en d'innombrables lieux, partout également, surveillent la terre et les abîmes marins, radieuses enfants des déesses. Et il est tout autant de fleuves au cours retentissant, fils d'Océan, mis au jour par l'auguste Téthys. Dire les noms de tous est malaisé à un mortel ; mais les peuples les savent, qui vivent sur leurs bords.

Hypérion et Théia.
Théia mit au monde et le grand Soleil, et la brillante Lune, et Aurore, qui luit pour tous ceux d'ici-bas comme pour les dieux immortels, maîtres du vaste ciel. Elle avait subi la loi amoureuse d'Hypérion.

Crios et sa descendance. Styx
Unie d'amour à Crios, Eurybié, divine entre les déesses, enfanta le grand Astraios, et Pallas, et Persès, qui entre tous brillait par son savoir.
A Astraios Aurore enfanta les Vents au coeur violent : Zéphyr, qui éclaircit le ciel, Borée à la course rapide, Notos enfin, naquirent de l'amour de la déesse entre les bras du dieu. Et, après les Vents, déesse de l'aube, elle enfantait l'Étoile du matin et les Astres étincelants dont se couronne le ciel.
Styx, fille d'Océan, unie à Pallas, enfanta dans son palais Zèle et Victoire aux jolies chevilles. Elle mit aussi au monde Pouvoir et Force, nobles enfants. Zeus n'a demeure ni séjour dont ils soient absents, il ne suit point de route où ils ne marchent sur ses pas : leur place est toujours près de Zeus aux lourds grondements. C'est le fruit de la conduite que tint Styx, l'Océanine immortelle, le jour où l'Olympien qui lance l'éclair appela tous les Immortels sur les hauteurs de l'Olympe, en déclarant que pas un des dieux qui combattraient avec lui les Titans ne se verrait arracher son apanage, mais qu'ils conserveraient chacun le privilège dont ils jouissaient déjà auprès des dieux immortels ; [ et pour ceux que Cronos avait laissés sans privilège ou apanage, il s'engageait,lui, à leur faire obtenir privilège et apanage, ainsi qu'il était juste ]. Or, la première arrivée sur l'Olympe, ce fut Styx, l'immortelle, avec ses enfants, docile aux conseils de son père. Et Zeus, pour l'honorer, lui donna des dons en surplus : il voulut qu'elle fût [ le grand serment des dieux ] et que ses enfants pour toujours vinssent habiter avec lui. Et, pour tous, strictement, il a tenu ses promesses ; et lui-même commande et règne, souverain.

Coios et Phoibé. Hécate.
Phoibé, elle, entra au lit séduisant de Coios et, déesse, de l'amour d'un dieu, conçut et enfanta Létô aux voiles d'azur, Létô éternellement douce, douce du premier jour, déesse clémente entre toutes dans l'Olympe, bénigne aux hommes autant qu'aux dieux immortels. Elle mit au monde Astérie au beau renom, que Persès un jour conduisit dans sa grande demeure, pour y être appelée son épouse.
Et Astérie conçut et enfanta Hécate, que Zeus, fils de Cronos, a voulu honorer au-dessus de tous autres, en lui accordant des dons éclatants. Son lot est à la fois sur la terre et la mer inféconde ; mais, en même temps, elle a part aux privilèges qu'offre le ciel étoilé, et elle est respectée entre tous par les dieux immortels. Aujourd'hui encore, tout mortel d'ici-bas qui veut, par un beau sacrifice offert suivant les rites, implorer une grâce invoque le nom d'Hécate ; et celui-là, sans peine, se voit suivi d'une immense faveur, dont la déesse a avec bienveillance écouté les prières. Elle lui octroie la prospérité, ainsi qu'elle en a le pouvoir ; car tous les enfants de Terre et de Ciel lui abandonnent une part des privilèges qu'ils ont reçus. Le fils de Cronos même s'est envers elle abstenu de violence ; il ne lui a pas arraché ce qu'elle avait obtenu parmi les premiers dieux Titans : elle conserve ce que lui avait été donné le premier partage. Pour être fille unique, elle ne jouit point, en tant que déesse, de moins de privilèges ; elle en a plus, au contraire, car d'elle Zeus a respect. A qui lui plaît, largement elle accorde son assistance et son secours. Sur la place, elle fait briller qui lui plaît dans l'assemblée. Quand, pour la lutte meurtrière s'équipent les guerriers, sa divine assistance va à qui lui plaît, et c'est sa bienveillance qui donne le succès et qui octroie la gloire. Au tribunal, elle siège à côté des rois révérés. Elle sait, quand les hommes joutent dans un tournoi, leur prêter assistance et le secours de sa divinité, et celui qui triomphe alors par sa force et par sa vigueur, sans peine et allègrement obtient pour lui le beau prix, en même temps qu'il octroie grande gloire à ses parents. Elle sait aussi, parmi les cavaliers, assiter qui lui plaît. A ceux qui exploitent la vaste mer aux chemins périlleux, s'ils invoquent Hécate et le retentissant Ébranleur de la terre, la noble déesse octroie sans peine une abondante proie, comme sans peine aussi elle la leur ravit, au moment même où elle apparaissait, selon qu'il plaît à son coeur. Elle sait avec Hermès, dans les étables faire croître le bétail : les troupeaux de boeufs, les vastes parcs de chèvres, les longues colonnes de brebis laineuses, s'il plaît à son coeur, elle en fait de peu beaucoup et en réduit beaucoup à peu. Ainsi elle a beau être fille unique de sa mère, elle est parmi les Immortels honorée à la fois de tous les apanages. Et le fils de Cronos a fait d'elle la nourricière de la jeunesse pour tous ceux qui, après elle, ont vu la clarté d'Aurore, qui lui à d'innombrables yeux. Ainsi fut-elle depuis les premiers temps nourricière de la jeunesse et en possession de ses privilèges.

Rhéia et Cronos. Naissance de Zeus.
Rhéia subit la loi de Cronos et lui donna de glorieux enfants, Histié, Déméter, Héra aux brodequins d'or ; et le puissant Hadès, qui a établi sa demeure sous la terre, dieu au coeur impitoyable ; et le retentissant Ébranleur du sol ; et le prudent Zeus, le père des dieux et des hommes, dont le tonnerre fait vaciller la vaste terre. Mais, ses premiers enfants, le grand Cronos les dévorait, dès l'instant où chacun d'eux du ventre sacré de sa mère descendait à ses genoux. Son coeur craignait qu'un autre des altiers petits-fils de Ciel n'obtint l'honneur royal parmi les Immortels. Il savait, grâce à Terre et à Ciel Étoilé, que son destin était de succomber un jour sous son propre fils, si puissant qu'il fût luim-même — par le vouloir du grand Zeus . Aussi, l'oeil en éveil, montait-il la garde ; sans cesse aux aguets, il dévorait tous ses enfants ; et une douleur sans répit possédait Rhéia. Mais vint le jour où elle allait mettre au monde Zeus, père des dieux et des hommes ; elle suppliait alors ses parents, Terre et Ciel Étoilé, de former avec elle un plan qui lui permit d'enfanter son fils en cachette et de faire payer la dette due aux Érynies de son père et de tous ses enfants dévorés par le grand Cronos aux pensers fourbes. Eux, écoutant et exauçant leur fille, l'avisèrent de tout ce qu'avait arrêté le destin au sujet du roi Cronos et de son fils au coeur violent; puis, ils la mènerent à Lyctos, au gras pays de Crète, le jour où elle devait enfanter le dernier de ses fils, le grand Zeus ; et ce fut l'énorme Terre qui lui reçut son enfant, pour le nourrir et le soigner dans la vaste Crète. L'emportant donc à la faveur des ombres de la nuit rapide, elle atteignit les premières hauteurs du Dictos, et, de ses mains, le cacha au creux d'un antre inacessible, dans les profondeurs secrètes de la terre divine, aux flancs du mont Égéon, que recouvrent des bois épais. Puis, entourant de langes une grosse pierre, elle la remit au puissant seigneur, fils de Ciel, premier roi des dieux, qui la saisit de ses mains et l'engloutit dans son ventre, le malheureux ! sans que son coeur se doutât que, pour plus tard, à la place de cette pierre, c'était son fils invincible et impassible, qui conservait la vie et qui devait bientôt, par sa force et ses bras, triompher de lui, le chasser de son trône et régner à son tour parmi les Immortels.
Puis rapidement croissaient ensemble la fougue et les membres du jeune prince, et, avec le cours des années le grand Cronos aux pensers fourbes recracha tous ses enfants, vaincu par l'adresse et la force de son fils, et il vomit d'abord la pierre par lui dévorée la dernière. Et Zeus la fixa sur la terre aux larges routes dans Pythô la divine, au bas des flancs du Parnasse , monument durable à jamais, émerveillement des hommes mortels . Ensuite de leurs liens maudits il délivra les frères de son père, les fils de Ciel, qu'avait liés leur père en son égarement. Ceux-là n'oublièrent pas de reconnaître ses bienfaits : ils lui donnèrent le tonnerre, la foudre fumante et l'éclair, qu'auparavant tenait cachés l'énorme Terre et sur lesquels Zeus désormais s'assure pour commander à la fois aux mortels et aux Immortels.

Japet et ses fils. Prométhée.
Japet épousa la jeune Oécanine aux jolies chevilles, Clymène ; avec elle il montait dans le lit nuptial, et elle lui donna pour fils Atlas à l'âme violente. Elle enfantait ensuite Ménoitios, trop plein d'orgeuil. Prométhée, souple et subtil, Épiméthée enfin, le maladroit, qui fut dès l'origine le malheur des hommes qui mangent le pain, en recevant le premier sous son toit la vierge formée par Zeus. Pour l'insolent Ménoitos, Zeus au large regard l'envoya au fond de l'Érèbe, en le frappant de la foudre fumante, à raison de sa folie et de sa force sans pareille. Atlas, lui, sous une puissante contrainte, aux limites mêmes du monde, en face des Hespérides au chant sonore, soutient le vaste Ciel, debout, de sa tête et de ses bras infatigables : c'est le sort que lui a départi le prudent Zeus. Quand à Prométhée au subtils desseins, Zeus le chargea de liens inextricables, entraves douloureuses qu'il enroula à mi-hauteur d'une colonne. Puis il lâcha sur lui un aigle aux ailes déployées ; et l'aigle mangeait son foie immortel, et le foie se reformait la nuit, en tout point égal à celui qu'avait, le jour durant, dévoré l'oiseau aux ailes déployées. Mais le vaillant fils d'Alcmène aux jolies chevilles, Héraclès, abattit l'agile et, du fils de Japet écartant ce cruel fléau, l'arracha à ses tourments — cela, de l'aveu même de Zeus Olympien au trône sublime, qui voulait que la gloire d'Héraclès Thébain s'étendit encore sur la terre nourricière : dans ce souci, il protégeait son noble fils, et, en dépit de sa colère, il renonça à la rancune qu'il gardait à Prométhée, pour être entré en lutte contre les desseins du bouillant fils de Cronos.
C'était aux temps où se réglait la querelle des dieux et des hommes mortels, à Mécôné. En ce jour-là Prométhée avait, d'un coeur empressé, partagé un boeuf énorme, qu'il avait ensuite placé devant tous. Il cherchait à tromper la pensée de Zeus : pour l'un des deux partis, il avait mis sous la peau chairs et entrailles lourdes de graisse, puis recouvert le tout du ventre du boeuf ; pour l'autre, il avait, par une ruse perfide, disposé en un tas les os nus de la bête, puis recouvert le tout de graisse blanche. Sur quoi, le père des dieux et des hommes lui dit : [ O fils de Japet, noble sire entre tous, tu as, bel ami, été bien partial en faisant les lots ].
Ainsi, railleur, parlait Zeus aux conseils éternels. Et Prométhée aux pensers fourbes lui répondit avec un léger sourire, soucieux de sa ruse perfide : [ Zeus très grand, le plus glorieux des dieux toujours vivants, choisis donc de ces parts celle que ton coeur t'indique en ta poitrine ].
Il dit, le coeur plein de fourbe, et Zeus aux conseils éternels comprit la ruse et sut la reconnaître. Mais déjà en son coeur, il méditait la ruine des mortels, tout comme en fait il devait l'achever. De ses deux mains il souleva la graisse blanche, et la colère emplit son âme,tandis que la bile montait à son coeur, à la vue des os nus de la bête, trahissant la ruse perfide. — Et aussi bien est-ce pourquoi, sur la terre, les fils des hommes brûlent aux Immortels les os nus des victimes sur les autels odorants — Et, indigné, l'assembleur de nuées, Zeus, dit : [ Ah ! fils de Japet, qui en sais plus que nul au monde, je le vois, bel ami, tu n'as pas oublié la ruse perfide ].
Ainsi, irrité, parlait Zeus aux conseils éternels ; et, dès lors, de cette ruse gardant toujours le souvenir, il se refusait à diriger sur les frênes l'élan du feu infatigale pour le profit des mortels, habitants de cette terre. Mais le brave fils de Japet sut le tromper et déroba, au creux d'une férule, l'éclatante lueur du feu infatigable ; et Zeus, qui gronde dans les nues, fut mordu profondément au coeur et s'irrita en son âme, quand il vit briller au milieu des hommes l'éclatante lueur du feu. Aussitôt, en place du feu, il créa un mal, destiné aux humains. Avec de la terre, l'illustre Boiteux modela un être tout pareil à une chaste vierge, par le vouloir du Cronide. La déesse aux yeux pers, Athéna , lui noua sa ceinture, après l'avoir parée d'une robe blanche, tandis que de son front ses mains faisaient tomber un voile aux mille broderies, merveille pour les yeux. Autour de sa tête elle posa un diadème d'or forgé par l'illustre Boiteux lui-même, des ses mains adroites, pour plaire à Zeus son père : il portait d'innombrables ciselures, merveille pour les yeux, images des bêtes que par milliers nourrissent la terre et les mers ; Héphaistos en avait mis des milliers — et un charme indéfini illuminait le bijou — véritables merveilles , toutes semblables à des êtres vivants.
Et quand, en place d'un bien, Zeus eut créé ce mal si beau, il l'amena où étaient dieux et hommes, superbement paré par la Vierge aux yeux pers, la fille du dieu fort ; et les dieux immortels et les hommes mortels allaient s'émerveillant à la vue de ce piège, profond et sans issue, destiné aux humains. Car c'est de celle-là qu'est sortie la race, l'engeance maudite des femmes, terrible fléau installé au milieu des hommes mortels. Elles ne s'accomodent pas de la pauvreté odieuse, mais de la seule abondance (gastères). Ainsi, dans les abris où nichent les essaims, les abeilles nourrissent les frelons que partout suivent oeuvres de mal. Tandis qu'elles, sans repos, jusqu'au coucher du Soleil, s'empressent chaque jour à former des rayons de cire blanche, ils demeurent, eux, à l'abri des ruches et engrangent dans leur ventre le fruit des peines d'autrui. Tout de même, Zeus qui gronde dans les nues, pour le grand malheur des hommes mortels, a créé les femmes, que partout suivent oeuvres d'angoisse, et leur a, en place d'un bien, fourni tout au contraire un mal. Celui qui, fuyant, avec le mariage, les oeuvres de souci qu'apportent les femmes, refuse de se marier, et qui, lorsqu'il atteint la vieillesse maudite, n'a pas d'appui pour ses vieux jours, celui-là sans doute ne voit pas le pain lui manquer, tant qu'il vit, mais, dès qu'il meurt, son bien est partagé entre collatéraux. Et celui, en revanche, qui dans son lot trouve le mariage, peut rencontrer sans doute une bonne épouse, de sain jugement ; mais, même alors, il voit toute sa vie le mal compenser le bien ; et, s'il tombe sur une espèce folle, alors, sa vie durant, il porte en sa poitrine un chagrin qui ne quitte plus son âme ni son coeur, et son mal est sans remède.
Ainsi au vouloir de Zeus il n'est pas facile de se dérober ni de se soustraire. Le fils de Japet lui-même, le bienfaisant Prométhée, n'a point échappé à son lourd courroux, et, malgré tout son savoir, la contrainte d'un lien terrible le tient.

Les Cent-Bras
Pour Briarée, Cottos, Gyès. du jour où d'eux leur père eut pris ombrage, il les lia d'un lien puissant, jaloux de leur force sans pareille, de leur stature, de leur taille, et il les relégua sous la terre aux larges routes. C'est là qu'en proie à la douleur dans leur demeure souterraine, ils gîtaient au bout du monde, aux limites de la vaste terre, depuis longtemps affligés, porant un deuil terrible au coeur. Mais le fils de Cronos et les autres dieux immortels qu'avait enfantés de l'amour de Cronos, Rhéia aux beaux cheveux, sur les conseils de Terre, les ramenèrent au jour. Car Terre leur avait tout dit expressément : c'étaient là ceux par qui ils obtiendraient le succès et un renom éclatant. Depuis de longs jours déjà, peinant douloureusement, ils combattaient les uns contre les autres au cours des mêlées puissantes, les dieux Titans et les fils de Cronos, établis, les uns — les Titans altiers — sur le haut de l'Othrys, les autres, sur l'Olympe &dash les dieux auteurs de tous bienfaits, qu'avait enfantés Rhéia aux beaux cheveux unie à Cronos. Les uns contre les autres, un courroux douloureux au coeur, sans répit, ils combattaient depuis dix années pleines, et nul dénouement, nul terme à la rude lutte n'apparaissait à aucun des deux partis ; pour tous également la fin de la guerre restait en suspens. Mais quand à ceux-là les dieux eurent offert ce qui était séant, le nectar et l'ambroisie , dont ils sont seuls à goûter, dans leur poitrine à tous se gonfla leur coeur valeureux. Le père des dieux et des hommes leur tint alors ce langage : [ Prêtez-moi l'oreille, radieux enfants de Terre et de Ciel, pour qu'ici je vous dise ce qu'en ma poitrine me dicte mon coeur. Il y a de longs jours déjà que, les uns contre les autres, pour le succès et la victoire, nous combattons chaque jour, les dieux Titans et nous, les enfants de Cronos. A vous de révéler ici, face aux Titans, votre force terrible et vos bras invincibles dans l'atroce bataille. Songez à faire preuve de loyale amitié, vous qui devez à notre seul vouloir le bienfait de revoir le jour, libres d'un lien cruel au fond des brumes ténébreuses. ]
Ainsi parlait-il, et Cottos, le héros accompli, à son tour répliquait : [ Las ! seigneur, tu ne nous révèles rien dont nous ne soyons instruits. Nous savons bien que tu l'emportes par le sens et par l'esprit : tu as des Immortels écarté le mal frissonnant. Grâce à ta sagesse, du fond des brumes ténébreuses, libres de liens incléments, nous sommes revenus ici, seigneur, fils de Cronos, par un bienfait inespéré. C'est pourquoi, d'un coeur inflexible, de tout notre sage vouloir, nous lutterons pour votre victoire, dans la redoutable rencontre, en combattant les Titans au cours des mêlées puissantes ].
Ainsi parlait-il, et les dieux auteurs de tous bienfaits applaudirent à ses paroles. Leur coeur plus que jamais avait soif de guerre ; et tous, dieux et déesses, en ce jour éveillèrent un horrible combat — tous, les dieux Titans, et les fils de Cronos, et ceux qu'avait ramenés Zeus de l'Érèbe souterrain au jour, terribles et puissants, doués de force sans pareille. Ils avaient chacun cent bras, qui jaillissaient, terribles, de leurs épaules, ainsi que cinquante têtes, attachées près de l'épaule à leurs corps vigoureux . Et lors ils se dressèrent en face des Titans dans l'atroce bataille, tenant des rocs abrupts dans leurs mains vigoureuses. Les Titans, à leur tour, avec entrain raffermissaient leurs rangs, et des deux côtés on montrait ce que peuvent la force et les bras. Terriblement, à l'entour, grondait la mer infinie. La terre soudain mugit à grande voix, et le vaste ciel, ébranlé, lui répondait en gémissant. Le haut Olympe chancelait sur sa base à l'élan des Immortels. Un lourd tremblement parvenait jusqu'au Tartare brumeux, mêlé à l'immense fracas de pas lancés dans une ruée indicible, ainsi que de puissants jets d'armes. Ils allaient ainsi se lançant des traits chargés de sanglots, et, des deux côtés, les voix en s'appelant montaient jusqu'au ciel étoilé, tandis que tous se heurtaient en un tumulte effrayant.
[Et Zeus lui-même cessait alors de retenir sa fougue; et, la fougue aussitôt emplissant son âme, il déployait sa force tout entière. A son tour, il venait du ciel et de l'Olympe, lançant l'éclair sans répit, et, de sa main vigoureuse, les carreaux de la foudre volaient accompagnés de tonnerre et d'éclairs, faisant tournoyer la flamme divine, précipitant leurs coups. Et, tout autour, le sol, source de vie, crépitait, en feu ; et, en proie, à la flamme, les bois immenses criaient à grande voix. La terre bouillait toute, et les flots d'Océan, et la mer inféconde. Un souffle brûlant enveloppait les Titans fils du sol , tandis que la flamme montait, immense, vers la nue divine, et qu'en dépit de leur force, ils sentaient leurs yeux aveuglés, quand flamboyait l'éclat de la foudre et de l'éclair. Une prodigieuse ardeur pénétrait l'abîme. Le spectacle aux yeux, le son aux oreilles était pareils à ceux que feraient, en se rencontrant, la terre et le ciel épandu. Le bruit ne serait pas plus fort, si, l'une s'écroulant, l'autre s'écroulant sur elle : tant était terrible celui des dieux se heurtent au combat ! Et les vents, se mettant de la partie, faisaient vibrer le sol ébranlé, la poussière soulevé, le tonnerre, l'éclair, la foudre flamboyante, armes du grand Zeus, et allaient porter les cris et les défis entre les fronts opposés. Un fracas effrayant sortait de l'épouvantable lutte, où se révélaient de puissants exploits. Alors, le combat déclina ; jusque-là, les uns contre les autres, tous obstinément, sans faiblir, luttaient dans des mêlées puissantes].
Mais au premier rang Cottos, Briarée, Gyès, insatiables de guerre, éveillèrent un âpre combat ; et c'étaient trois cents pierres que leurs bras vigoureux envoyaient coup sur coup. Sous des masses sombres de traits ils écrasèrent les Titans; puis ils des dépêchèrent sous la terre aux larges routes, et là, ils lièrent de liens douloureux les orgueuilleux qu'avaient vaincus leurs bras, aussi loin désormais au- dessous de la terre que le ciel l'est au dessus une enclume d'airain tomberait du ciel durant neuf jours et neuf nuits, avant d'atteindre le dixième jour à la terre ; et, de même, une enclume d'airain tomberait de la terre durant neuf jours et neuf nuits, avant d'atteindre le dixième jour au Tartare . Autour de ce lieu court un mur d'airain. Un triple rang d'ombre en ceint la bouche étroite. Au-dessus ont poussé les racines de la terre et de la mer inféconde C'est là que les Titans sont cachés dans l'ombre brumeuse, par le vouloir de Zeus, assembleur de nuées. Ils ne peuvent sortir : Poseidon a sur eux clos des portes d'airain, le rempart s'étend de tous les côtés ; là enfin habitent Gyès, Cottos, Briarée au grand coeur, gardiens fidèles, au nom de Zeus qui tient l'égide.
[Là sont, côte à côte, les sources, les extrémités de tout, de la terre noire et du Tartare brumeux, de la mer inféconde et du ciel étoilé, lieux affreux et moisis, qui font horreur aux dieux, abîme immense dont on n'atteindrait pas le fond, une année entière se fût-elle écoulée depuis qu'on en aurait passé les portes : bourrasque sur bourrasque vous emporterait, cruelle, tantôt ici, tanôt là, prodige effrayant, même pour les dieux immortels. Là se dresse l'effrayante demeure de l'infernale Nuit, qu'enveloppent de sombres nuées.]
[Devant cette demeure, le fils de Japet, debout, soutient le vaste ciel de sa tête et de ses bras infatigables, sans faiblir. C'est là que Nuit et Lumière du Jour se rencontrent et se saluent, en franchissant le vase seuil d'airain. L'une va descendre et rentrer à l'heure même où l'autre sort, et jamais la demeure ne les enferme toutes les deux à la fois ; mais toujours l'une est au dehors, parcourant la terre, tandis que, gardant la maison à son tour, l'autre attend que vienne pour elle l'heure du départ. L'une tient en mains pour les hommes la lumière qui luit à d'innombrables yeux ; l'autre porte en ses bras Sommeil, frère de Trépas : c'est la pernicieuse Nuit, enveloppe d'une nuage de brume.]
[Là s'élève en face de l'arrivant, la demeure sonore du dieu des enfers, le puissant Hadès, et Perséphone la redoutable. Un chien terrible en garde l'approche, implacable et plein de méchante ruse : ceux qui entrent, ils les flatte à la fois de la queue et des oreilles ; mais ensuite il leur interdit le retour et, sans cesse à l'affût, il dévore tous ceux qu'il surprend sortant des portes.]
[Là réside une déesse odieuse aux Immortels, la terrible Styx, fille aînée d'Océan , le fleuve qui va coulant vers sa source. Elle habite, loin des dieux, une illustre demeure que couronnent des rocs élevés et que de tous côtés des colonnes d'argent dressent vers le ciel. La fille de Thaumas, Iris aux pieds rapides, y vient rarement, sur le large dos de la mer, signifier un message : il faut qu'une querelle, un discord se soit élevé parmi les Immortels. Alors, pour savoir qui ment parmi les habitants de l'Olympe, Zeus envoie Iris chercher en ce lointain séjour [ le grand serment des dieux ], Dans une aiguière d'or elle rapporte l'eau au vaste renom, qui tombe,glacée, d'un rocher abrupt et haut. C'est un bras d'Océan, qui, du fleuve sacré, sous la terre aux larges routes, ainsi coule, abondant, à travers la nuit noire. Il représente la dixième partie des eaux d'Océan. Avec les neufs autres, en tourbillons d'argent, Océan s'enroule autour de la terre et du large dos de la mer, avant d'aller se perdre dans l'onde salée. Celle-là vient seule déboucher ici du haut d'un rocher, fléau redouté des dieux. Quiconque, parmi les Immortels, maîtres des cimes de l'Olympe neigeux, répand cette eau pour appuyer un parjure, reste gisant sans souffle une année entière. Jamais plus il n'approche de ses lèvres, pour s'en nourrir, l'ambroisie ni le nectar. Il reste gisant sans haleine et sans voix sur un lit de tapis : une torpeur cruelle l'enveloppe. Quand le mal prend fin, au bout d'une grande année, une série d'épreuves plus dures encore l'attend. Pendant neuf années il est tenu loin des dieux toujours vivants, il ne se mêle ni à leurs conseils ni à leurs banquets durant neuf années pleines ; ce n'est qu'à la dixième qu'il revient prendre part aux propos des Immortels, maîtres du palais de l'Olympe : si grave est le serment dont les dieux ont pris pour garantie l'eau éternelle et antique de Styx, qui court à travers un pays rocheux.]
[Là sont côte à côte, les sources , les extrémités de tout, de la terre noire et du Tartare brumeux, de la mer inféconde et du ciel étoilé, lieux affreux et moisis, qui font horreur aux dieux. Là sont des portes resplendissantes, ainsi qu'un seuil d'airan, inébranlable, appuyé sur des racines sans fin, taillé par la nature. C'est devant ce seuil, loin de tous les dieux, qu'habitent les Titans, au delà de l'abîme brumeux, tandis que les illustres auxilaires de Zeus retentissant ont leur demeure au-dessous du lit d'Océan — Cottos et Gyès du moins ; pour Briarée à raison de sa bravoure, l'Ébranleur de la terre aux lourds grondements en a fait son gendre, en lui donnant pour épouse sa fille Cymopolée.]
[Mais lorsque Zeus du ciel eut chassé les Titans, l'énorme Terre enfanta un dernier fils, Typhée, de l'amour du Tartare, par la grâce d'Aphrodite d'or. Ses bras sont faits pour des oeuvres de force, et jamais ne se lassent ses pieds de dieu puissant. De ses épaules sortaient cent têtes de serpent, d'effroyable dragon, dardant des langues noirâtres ; et des yeux éclairant ces prodigieuses têtes jaillissait, par-dessous les sourcils, une lueur de feu ; et des voix s'élévaient de toutes ces têtes terribles, faisant entendre mille accents d'une indicible horreur. Tantôt, c'étaient des sons que les dieux seuls comprennent ; tantôt la voix d'un taureau rougissant, bête altière, à la fougue indomptable, tantôt celle d'un lion au coeur sans merci ; tantôt des cris pareils à ceux des jeunes chiens, étonnants à ouïr ; tantôt un sifflement, que prolongeait l'écho des hautes montagnes.
Alors une oeuvre sans remède se fût accomplie en ce jour ; alors Typhée eût été roi des mortels et des Immortels, si le père des cieux et des hommes de son oeil perçant soudain ne l'eût vu. Il tonna sec et fort, et la terre à l'entour retentit d'un horrible fracas, et le vaste ciel au-dessus d'elle et la mer, et les flots d'Océan, et le Tartare souterrain, tandis que vacillait le grand Olympe sous les pieds immortels de son seigneur partant en guerre, et que le sol lui répondait en gémissant. Une ardeur régnait sur la mer aux eaux sombres, allumée à la fois par les deux adversaires, par le tonnerre et l'éclair comme par le feu jaillissant du monstre, par les vents furieux autant que par la foudre flamboyante. La terre bouillait toute, et le ciel, et la mer. De tous côtés, de hautes vagues se ruaient vers le rivage à l'élan des Immortels. Un tremblement incoercible commençait : Hadès frémissait, le souverain des morts dans les enfers, et aussi les Titans, dans le fond du Tartare autour de Cronos, ébranlés par l'incoercible fracas et la funeste rencontre. Et Zeus, rassemblant sa fougue et saisissant ses armes, tonnerre, éclair et foudre flamboyante, se dressa du haut de l'Olympe et frappa ; et il embrasa d'un seul coup à la ronde les prodigieuses têtes du monstre effroyable ; et, dompté par le coup dont il l'avait cinglé, Typhée, mutilé, s'écroula tandis que gémissait l'énorme Terre. Maid, du seigneur foudroyé, la flamme rejaillit, au fond des âpres et noirs vallons de la montagne qui l'avait vu tomber. Sur un immense espace brûlait là l'énorme terre, exhalant une vapeur prodigieuse ; elle fondait, tout comme fond l'étain, que l'art des jeunes hommes recueille au-dessous du creuset troué où ils l'ont fait chauffer, ou comme le fer le plus résistant, quand, aux vallons de la montagne, le feu dévorant en a fait sa proie, dans le sol divin , sous l'action d'Héphaistos : ainsi fondait la terre sous l'éclat du feu flamboyant. Et Zeus, l'âme en courroux, jeta Typhée dans le vaste Tartare.
De Typhée sortent les vents fougueux au souffle humide, sauf Notos et Borée et Zéphyr le rapide : ceux-là sont nés des dieux et pour les mortels sont un grand bienfait. Les autres, sur la mer, soufflent à l'étourdie. Ce sont eux qui s'abattent sur le large brumeux, au grand dam des mortels, pour y sévir en cruelle tourmente. Ils vont soufflant, tantôt ici, tanôt là, dispersant les nefs, perdant les équipages, et contre tel fléau il n'est point de recours, lorsqu'on se heurte à lui en mer. D'autres aussi, sur la terre infinie que parent les fleurs, perdent les riantes moissons des hommes nés sur ce sol, en les noyant dans la poussière et dans un pénible gâchis.]
Et, lorsque les dieux bienheureux eurent achevé leur tâche et réglé par la force leur conflit d'honneurs avec les Titans, sur les conseils de Terre, ils pressèrent Zeus l'Olympien au large regard de prendre le pouvoir et le trône des Immortels, et ce fut Zeus qui leur répartit leurs honneurs.




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Zhong Yong