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Le Qigong médical, un aspect méconnu de la médecine chinoise
Jean-Robert Gillardeaux, le 21/04/2011 Lorsque l’on interroge l’homme de la rue sur la médecine chinoise, il parle immédiatement des petites aiguilles que l’acupuncteur plante dans certains points pour agir sur d’invisibles et mystérieux réseaux. Mais il faut que l’homme interrogé face partie des initiés pour qu’il cite également le Tuina, le massage thérapeutique, ou la pharmacopée, l’utilisation des produits naturels. Alors combien citeront spontanément le Qigong médical à propos de la médecine chinoise? Pourtant le Qigong est bien une des branches majeures de la MTC, peut-être même en est-il le pilier central. Le travail sur le Qi qu’il représente est en effet, de toute évidence, la plus ancienne de toutes les méthodes thérapeutiques puisque la plus naturelle qui soit (et le médecin-chaman agit-il sur autre chose que sur l’énergie interne du malade grâce à l’utilisation de l’énergie cosmique transmise par l’intermédiaire de son propre corps ?). Alors comment se fait-il qu’une technique aussi ancestrale soit finalement encore si peu pratiquée par les « médecins chinois » et donc si peu connue du grand public? En fait, lorsqu’on parle du Qigong on ne pense généralement qu’à son aspect gymnique, c’est-à-dire au premier degré de sa pratique qui est celui du maintien de la santé grâce à certains exercices favorisant la circulation de l’énergie. Et si l’on connaît aussi aujourd’hui ses manifestations les plus spectaculaires, celles des moines Shaolin par exemple, on ignore encore par contre presque totalement celles qui relèvent du travail interne (Neigong) et qui aboutissent pourtant à son aspect le plus élevé, le soin par émission de l’énergie (Waiqi liaofa). Mais il est possible qu’une des causes majeures de cette méconnaissance de l’aspect médical du Qigong provienne tout simplement de sa situation présente dans sa patrie originelle. Qigong sous haute surveillance Après le terrible cataclysme provoqué par la Révolution culturelle, la libération des consciences a produit dans la Chine des années 80, une extraordinaire vague d’espérance et d’enthousiasme. Celle-ci s’est notamment concrétisée par un renouveau des ancestrales pratiques psychosomatiques regroupées à présent sous le vocable de Qigong. Favorisés par l’essor simultané des techniques scientifiques, les pouvoirs extraordinaires du Qi ont alors été testés. De multiples expériences prouvent son existence, ses ondes particulières sont enregistrées. Ses possibilités de transmission à distance sont attestées et de multiples opérations par anesthésie sous émission de l’énergie sont ainsi été effectuées. Les expérimentations sur les animaux puis sur les humains démontrent l’action du Qi sur les tumeurs cancéreuses (entre 40 et 80% de destructions des cellules malignes). Durant une bonne décennie la Chine connaît alors une véritable une « fièvre du Qigong », et tous les chinois le pratiquent alors plus ou moins. Portés par cette énorme vague, les maîtres « descendent des montagnes » et fleurissent un peu partout. Ils attirent à eux des centaines, des milliers voire des millions d’élèves. Leur pouvoir sur les foules devient énorme… Après l’ébranlement politique provoqué par la manifestation de la secte Falungong, place Tian’anmen en avril 1999, une terrible répression s’étend alors sur le monde du Qigong. Toutes les associations sont contrôlées, et celles qui ne sont pas déclarées « dangereuses », et donc instantanément dissoutes, sont contraintes de restreindre leurs actions dans un cadre local très étroit. Un grand nombre de lignées de Qigong sont démantelées, les principaux maîtres sont extradés ou arrêtés. Les cliniques privées sont fermées et toutes les expériences sur le Qigong interrompues. Le mot même de Qigong devient suspect. Cette grande « rectification » n’a même pas épargné des organismes très officiels comme le Centre National de Qi Gong de Beidaihe ou l’Institut de Recherche sur le Qigong de Shanghai. Créé en 1957, l’Institut de Qi Gong de Shanghai était à son origine un sanatorium. Il est rapidement devenu un Institut de Recherche, avec tout ce que cela implique comme expérimentation scientifique, puis à été rattaché à l’Université de Médecine traditionnelle de Shanghai en 1985. C’est un maître de cet Institut, Lin Hou Sheng, qui a le premier développé l’anesthésie par Qigong (grâce à l’émission de l’énergie sur le point Yintang). Aujourd’hui l’Institut, de recherche n’a plus que le nom. Toutes les expériences ont été abandonnées. Même les rats blancs que le professeur Chu Wei Zhong énergétisait amoureusement chaque jour pour tester l’efficacité du Qi sur divers agents pathogènes, ont quitté le navire. Lin Hou Sheng s’est expatrié aux Etats-Unis. L’ancien directeur de l’Institut le professeur Chai Jian Yu, qui était pourtant un des meilleurs praticiens en Waiqi, est même allé jusqu’à déclarer que « le Qi externe n’existait pas ». A la clinique de Qigong, seul le docteur Dong Miao Cheng officie encore par émission du Qi. Mais il est âgé et économise ses forces. Il ne travaille presque plus en Daoyin liaofa (mobilisation de l’énergie du patient) et bien qu’il ait formé d’une manière très traditionnelle ses disciples, aucun ne travaille comme il le faisait, peut-être n’en ont-ils pas reçu l’« autorisation » (la recevront-ils un jour ?). Pour garder le contrôle du Qigong, l’Association Nationale du Qigong de santé de Chine s’efforce de répandre, depuis cinq ans, dans le monde entier quatre formes très « officielles ». Composées très récemment, ces Qigong sont une synthèse des mouvements traditionnels recueillis auprès des différentes écoles et mis en musique afin de constituer un enchaînement d’une vingtaine de minutes. Cette Association Nationale va même jusqu’à proposer le passage de « grades » à partir de ces seuls enchaînements. Ils sont, il est vrai, d’une belle esthétique et très agréables à pratiquer, mais on peut cependant facilement douter de leur efficacité en matière de travail énergétique. D’ailleurs le peuple chinois ne semble pas tellement adhérer à ces nouvelles formes puisque nous ne les avons encore jamais vu, ni à Pékin ni à Shanghai, mises en pratiques dans la rue ou les parcs. Aujourd’hui en Chine, on ne parle plus du Qigong qu’en tant que méthode de préservation de la santé. Pas question d’évoquer un quelconque travail interne menant à une potentialisation des capacités humaines et encore moins bien sûr de traitement par émission de l’énergie. D’ailleurs le Qi existe-t-il encore en Chine ? On peut se le demander. Dans ces formes « officielles », seul l’aspect gestuel est pris en considération, on n’y parle que de « respiration naturelle » et le travail de conduction de l’énergie par la pensée n’est même pas évoquée (« esprit détendu » s’empresse t-on d’ajouter). Le Qigong et la MTC Cependant initialement le Qigong avait bien été défini par son « créateur », Liu Gui Zhen, comme une pratique intégrant trois « disciplines » (San Tiao) : celle du corps (Xing ou Shen), celle de la respiration (Xi ou Qi) et celle de l’esprit (Xin ou Shen). Il est bien évident que ces trois disciplines ne peuvent pas être désolidarisées les unes des autres, et apprendre la gestuelle d’un Qigong sans mettre aussitôt en place le travail respiratoire et la concentration de la pensée, c’est transformer le Qigong en une « gymnastique douce pour gens stressés » (ce qu’il n’était certes pas à son origine). Pas étonnant de ce fait que dans les écoles de médecine traditionnelle chinoise le Qigong, lorsqu’il est enseigné, ce qui est loin d’être systématiquement le cas, ne le soit qu’en tant que pratique corporelle et non en tant que technique de soin à part entière. Tout cet aspect médical du Qigong reste donc encore presque totalement à découvrir en France. Rappelons à ce propos qu’on ne peut à proprement parler de Qigong médical que lorsqu’il y existe une relation thérapeute-patient fonctionnant selon le mode classique d’un thérapeute actif et d’un patient passif. Lorsque le patient est lui-même actif il ne peut s’agir au mieux que d’une méthode d’auto-traitement par Qigong. Ainsi, par exemple, les marches dans le Qigong ne sont pas à proprement parler du Qigong médical (Waiqi Liaofa) mais bien du Qigong thérapeutique (Qigong Liaofa). Car il est très primordial, comme le disait Confucius, de rendre aux choses leur juste appellation. Pourtant nous savons que, comme ce fut déjà bien souvent le cas, la Chine reviendra un jour à sa tradition et que « lorsque le vent tournera » les recherches sur le Qi pourront reprendre. Nous savons aussi, pour l’avoir constaté, que les maîtres ne se sont pas éteints sans avoir transmis leur savoir et que leurs élèves n’attendent en fait que l’occasion favorable pour reprendre le flambeau. Quand l’heure sonnera, ils redescendront à leur tour de la montagne. La sagesse chinoise ne nous dit-elle pas en effet qu’« un grand vent ne tient pas tout le matin et qu’une grosse averse ne dure pas jusqu’au soir » ? A quand donc l’arc de la réconciliation dans le ciel de la Chine éternelle ?
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