REIMS QI GONG, Club de Qi Gong
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Henri Bergson (1859-1941) - Extraits - à l'usage des membres du club - Lectures dirigées

L'énergie spirituelle

L'attention est une attente, et il n'y a pas de conscience sans une certaine attention à la vie.


Le possible et le réel

La vie n'est pas comme une armoire aux possibles [...]
Au fur et à mesure que la réalité se crée imprévisible et neuve, son image se réfléchit derrière elle, dans le passé indéfini elle se trouve ainsi avoir été de tout temps possible. Mais c'est à ce moment précis qu'elle commence à l'avoir toujours été. C'est pourquoi [...] sa possibilité qui ne précède pas sa réalité l'aura précédée une fois la réalité apparue. Le possible est donc le mirage du présent dans le passé.


Essai sur les données immédiates de la conscience

En quoi consiste la perception de l'intensité de l'effort ? [...] plus un effort donné nous fait l'effet de croître, plus augmente le nombre de muscles qui se contractent sympathiquement. La conscience apparente d'une plus grande intensité d'effort sur un point donné de l'organisme se réduit en réalité à la perception d'une plus grande surface du corps s'intéressant à l'opération.

Notre conscience d'un accroissement d'effort musculaire se réduit à la double perception de sensations périphériques et d'un changement qualitatif survenu dans quelques-unes d'entre elles.

Le mécanisme cérébral est précisément fait pour en refouler la presque totalité dans l'inconscient et pour n'introduire dans la conscience que ce qui est de nature à éclairer la situation présente, à aider l'action qui se prépare, à donner enfin un travail utile.

Nous nous exprimons nécessairement par des mots et nous pensons le plus souvent dans l'espace. En d'autres termes le langage exige que nous établissions entre nos idées les mêmes distinctions nettes et précises, la même discontinuité qu'entre les objets matériels. Cette assimilation est utile dans la vie pratique et nécessaire dans la plupart des sciences. Mais on pourrait se demander si les difficultés insurmontables que posent certains problèmes philosophiques souvent ne viendraient pas de ce qu'on s'obstine à juxtapposer dans l'espace des phénomènes qui n'occupent point l'espace et si en faisant abstraction des grossières images autour desquelles le combat se livre, on n'y mettrait pas parfois un terme.



Il n'est pas douteux que le temps ne se confonde d'abord pour nous avec la continuité de notre vie intérieure. Qu'est ce que cette continuité ? Celle d'un écoulement ou d'un passage, mais d'un écoulement et d'un passage qui se suffisent à eux-mêmes, l'écoulement n'étant pas une chose qui coule et le passage ne présupposant pas des états par lesquels on passe. La chose et l'état ne sont que des instantanés artificiellement pris sur la transition. Et cette transition, seule naturellement expérimentée est la durée même ; elle est mémoire, mais non pas mémoire personnelle, extérieure à ce qu'elle retient [...], mais mémoire intérieure au changement lui-même [...] qui prolonge l'avant dans l'après [...] dans un présent qui renaitrait sans cesse.


Matière et Mémoire

Resterait alors cette seconde conclusion d'ordre plutôt métaphysique que nous sommes véritablement placés hors de nous dans la perception pure, que nous touchons alors la réalité de l'objet dans une intuition immédiate.


La pensée et le mouvant

Ce qui a manqué le plus à la philosophie, c'est la précision.

C'est parce que l'artiste pense moins à utiliser sa perception qu'il perçoit un plus grand nombre de choses.

Or, la vie exige que nous nous mettions des oeillères, que nous regardions non pas à droite, non pas à gauche, mais droit devant, dans la direction où nous allons marcher...
[nous avons cueilli] tout ce qui intéresse notre action sur les choses et négligé le reste.


Introduction à la métaphysique

Il y a une réalité au moins que nous saisissons tous du dedans, par intuition et non par simple analyse. C’est notre propre personne dans son écoulement à travers le temps. C’est notre moi qui dure. Nous pouvons ne sympathiser intellectuellement, ou plutôt spirituellement, avec aucune autre chose. Mais nous sympathisons sûrement avec nous-mêmes.
Quand je promène sur ma personne, supposée inactive, le regard intérieur de ma conscience, j’aperçois d’abord, ainsi qu’une croûte solidifiée à la surface, toutes les perceptions qui lui arrivent du monde matériel. Ces perceptions sont nettes, distinctes, juxtaposées ou juxtaposables les unes aux autres ; elles cherchent à se grouper en objets. J’aperçois ensuite des souvenirs plus ou moins adhérents à ces perceptions et qui servent à les interpréter ; ces souvenirs se sont comme détachés du fond de ma personne, attirés à la périphérie par les perceptions qui leur ressemblent ; ils sont posés sur moi sans être absolument moi-même. Et enfin je sens se manifester des tendances, des habitudes motrices, une foule d’actions virtuelles plus ou moins solidement liées à ces perceptions et à ces souvenirs. Tous ces éléments aux formes bien arrêtées me paraissent d’autant plus distincts de moi qu’ils sont plus distincts les uns des autres. Orientés du dedans vers le dehors, ils constituent, réunis, la surface d’une sphère qui tend à s’élargir et à se perdre dans le monde extérieur. Mais si je me ramasse de la périphérie vers le centre, si je cherche au fond de moi ce qui est le plus uniformément, le plus constamment, le plus durablement moi-même, je trouve tout autre chose.
C’est, au-dessous de ces cristaux bien découpés et de cette congélation superficielle, une continuité d’écoulement qui n’est comparable à rien de ce que j’ai vu s’écouler. C’est une succession d’états dont chacun annonce ce qui suit et contient ce qui précède. À vrai dire, ils ne constituent des états multiples que lorsque je les ai déjà dépassés et que je me retourne en arrière pour en observer la trace. Tandis que je les éprouvais, ils étaient si solidement organisés, si profondément animés d’une vie commune, que je n’aurais su dire où l’un quelconque d’entre eux finit, où l’autre commence. En réalité, aucun d’eux ne commence ni ne finit, mais tous se prolongent les uns dans les autres.



La Pensée et le mouvant

La science est l'auxiliaire de l'action et l'action vise un résultat [...]. Elle va d'un arrangement des choses à un réarrangement des choses. [...] Nécessairement elle néglige se qui se passe dans l'intervalle. Avec des méthodes destinées à saisir le tout-fait, elle ne saurait en général entrer dans ce qui se fait : suivre le mouvant, adopter le devenir et la vie des choses. Cette dernière tâche appartient à la philosophie. [...] le philosophe la traite en camarade il n'obéit ni ne commande, il cherche à sympathiser.


A mesure que nous cherchons davantage à nous installer dans la pensée du philosophe au lieu d'en faire le tour, nous voyons sa doctrine se transfigurer. D'abord la complication diminue. Puis les parties entrent les unes dans les autres. Enfin tout se ramasse en un point unique, dont nous sentons qu'on pourrait se rapprocher de plus en plus quoiqu'il faille désespérer d'y atteindre.
En ce point est quelque chose de simple, d'infiniment simple, de si extraordinairement simple que le philosophe n'a jamais réussi à le dire. Et c'est pourquoi il a parlé toute sa vie. Il ne pouvait formuler ce qu'il avait dans l'esprit sans se sentir obligé de corriger sa formule, puis de corriger sa correction – ainsi, de théorie en théorie, se rectifiant alors qu'il croyait se compléter, il n'a fait autre chose, par une complication qui appelait la complication et par des développements juxtaposés à des développements, que rendre avec une approximation croissante la simplicité de son intuition originelle. Toute la complexité de sa doctrine, qui irait à l'infini, n'est donc que l'incommensurabilité entre son intuition simple et les moyens dont il disposait pour l’exprimer.
Quelle est cette intuition ? Si le philosophe n'a pas pu en donner la formule, ce n'est pas nous qui y réussirons. Mais ce que nous arriverons à ressaisir et à fixer, c'est une certaine image intermédiaire entre la simplicité de l'intuition concrète et la complexité des abstractions qui la traduisent, image fuyante et évanouissante, qui hante, inaperçue peut-être, l'esprit du philosophe, qui le suit comme son ombre à travers les tours et détours de sa pensée, et qui, si elle n'est pas l'intuition même, s'en rapproche beaucoup plus que l'expression conceptuelle, nécessairement symbolique, à laquelle l'intuition doit recourir pour fournir des explications.


Il y a, depuis des siècles, des hommes dont la fonction est de voir et de nous faire voir ce que nous n'apercevons pas naturellement. Ce sont les artistes.
À quoi vise l'art, sinon à nous montrer, dans la nature et dans l'esprit, hors de nous et en nous, des choses qui ne frappaient pas explicitement nos sens et notre conscience ? […]
Les grands peintres sont des hommes auxquels remonte une certaine vision des choses qui est devenue ou qui deviendra la vision de tous les hommes. Un Corot, un Turner, pour ne citer que ceux-là, ont aperçu dans la nature bien des aspects que nous ne remarquions pas. – Dira-t-on qu'ils n'ont pas vu, mais créé, qu'ils nous ont livré des produits de leur imagination, que nous adoptons leurs inventions parce qu'elles nous plaisent, et que nous nous amusons simplement à regarder la nature à travers l'image que les grands peintres nous en ont tracée ? – C'est vrai dans une certaine mesure ; mais, s'il en était uniquement ainsi, pourquoi dirions-nous de certaines œuvres – celles des maîtres – qu'elles sont vraies ? […] Approfondissons ce que nous éprouvons devant un Turner ou un Corot : nous trouverons que, si nous les acceptons et les admirons, c'est que nous avions déjà perçu quelque chose de ce qu'ils nous montrent. Mais nous avions perçu sans apercevoir. C'était, pour nous, une vision brillante et évanouissante, perdue dans la foule de ces visions également brillantes, également évanouissantes, […] et qui constituent, par leur interférence réciproque, la vision pâle et décolorée que nous avons habituellement des choses. Le peintre l'a isolée ; il l'a si bien fixée sur la toile que, désormais, nous ne pourrons nous empêcher d'apercevoir dans la réalité ce qu'il y a vu lui-même.


...il y a des pseudo-problèmes, et que ce sont les problèmes angoissants de la métaphysique. Le premier consiste à se demander pourquoi il y a de l'être, pourquoi quelque chose ou quelqu'un existe. […] On se dit : « il pourrait ne rien y avoir », et l'on s'étonne alors qu'il y ait quelque chose – ou quelqu'un. Mais analysez cette phrase : « il pourrait ne rien y avoir ». Vous verrez que vous avez affaire à des mots, nullement à des idées, et que « rien » n'a ici aucune signification. […] « Rien » désigne l'absence de ce que nous cherchons, de ce que nous désirons, de ce que nous attendons. À supposer, en effet, que l'expérience nous présentât jamais un vide absolu, il serait limité, il aurait des contours, il serait donc encore quelque chose. Mais en réalité il n'y a pas de vide. Nous ne percevons et même ne concevons que du plein. Une chose ne disparaît que parce qu'une autre l'a remplacée. Suppression signifie ainsi substitution.
[…] Quand nous nous demandons pourquoi il y a de l'être, pourquoi quelque chose ou quelqu'un, pourquoi le monde ou Dieu existe et pourquoi pas le néant, quand nous nous posons enfin le plus angoissant des problèmes métaphysiques, nous acceptons virtuellement une absurdité
[…]. En d'autres termes, cette prétendue représentation du vide absolu est, en réalité, celle du plein universel dans un esprit qui saute indéfiniment de partie à partie, avec la résolution prise de ne jamais considérer que le vide de sa dissatisfaction au lieu du plein des choses. Ce qui revient à dire que l'idée de Rien, quand elle n'est pas celle d'un simple mot, implique autant de matière que celle de Tout, avec, en plus, une opération de la pensée.


Notre intelligence est le prolongement de nos sens. Avant de spéculer, il faut vivre, et la vie exige que nous tirions parti de la matière, soit avec nos organes, qui sont des outils naturels, soit avec les outils proprement dits, qui sont des organes artificiels. Bien avant qu’il y eût une philosophie et une science, le rôle de l’intelligence était déjà de fabriquer des instruments, et de guider l’action de notre corps sur les corps environnants. La science a poussé ce travail de l’intelligence beaucoup plus loin, mais elle n’en a pas changé la direction. Elle vise, avant tout, à nous rendre maîtres de la matière. Même quand elle spécule, elle se préoccupe encore d’agir, la valeur des théories scientifiques se mesurant toujours à la solidité de la prise qu’elles nous donnent sur la réalité. Mais n’est-ce pas là, précisément, ce qui doit nous inspirer pleine confiance dans la science positive et aussi dans l’intelligence, son instrument? Si l’intelligence est faite pour utiliser la matière, c’est sur la structure de la matière, sans doute, que s’est modelée celle de l’intelligence. Telle est du moins l’hypothèse la plus simple et la plus probable. Nous devrons nous y tenir tant qu’on ne nous aura pas démontré que l’intelligence déforme, transforme, construit son objet, ou n’en touche que la surface, ou n’en saisit que l’apparence. […] Il est impossible de considérer le mécanisme de notre intelligence, et aussi le progrès de notre science, sans arriver à la conclusion qu’entre l’intelligence et la matière il y a effectivement symétrie, concordance, correspondance.




Le rire

Pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. Car les mots (à l’exception des noms propres) désignent tous des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont d’intime, de personnel, d’originalement vécu. Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience, avec les mille nuances fugitives et les milles résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais, le plus souvent, nous n’apercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles

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Bons sentiments
  
























Zhong Yong