REIMS QI GONG, Club de Qi Gong
    SOMMAIRE  |  COURS  |  STAGES  |  ASPECTS THEORIQUES | 
 |  TEXTES ANCIENS  | 
Delbos - Courts extraits

Victor Delbos (1862-1916) est un philosophe historien qui a notamment écrit un ouvrage remarquable, notamment par sa précision et sa concision, sur le spinozisme. C'est un ouvrage qui suit de près l'Ethique : il est idéal pour aborder l'étude de la pensée de Spinoza.

Le spinozisme

L'âme humaine

Tous les corps sont en mouvement ou en repos ; ils ne se distinguent les uns des autres que par le mouvement ou le repos, la vitesse ou la lenteur ; un corps qui est en mouvement ou en repos a dû être déterminé au mouvement ou au repos par un autre corps, celui-ci par un autre et ainsi de suite (loi de l'inertie) ; tous les états d'un corps ne résultent donc que du mouvement, mais proviennent à la fois de la nature du corps mû et de la nature du corps qui imprime le mouvement. Voilà les lois les plus générales qui peuvent être énoncées des corps les plus simples... Mais outre ces corps les plus simples, il y a des individus, c'est à dire des corps composés d'une certaine manière. Quand ces corps de même grandeur ou de grandeur différente sont tellement resserrés qu'ils s'appuient les uns sur les autres et se soutiennent réciproquement, ou encore lorsque se mouvant soit avec la même vitesse, soit avec des vitesses inégales, ils se communiquent leurs mouvements selon des rapports déterminés, il y a entre ces corps une union réciproque qui fait d'eux un seul corps, qui constitue avec eux un individu (Eth.IV, Déf.). Or cet individu conserve sa nature, même s'il perd certaines de ses parties, pourvu que ces parties soient remplacées simultanément par un nombre égal de parties de même nature ; il la conserve également si les parties qui la composent deviennent plus grandes ou plus petites, à cette condition que le mouvement et le repos de toutes les parties, considérées les unes à l'égard des autres, s'accomplissent selon les mêmes rapports ; il la conserve encore si les corps qui la composent détournent sur une partie le mouvement qu'elles avaient vers une autre, à la condition qu'ils puissent continuer ce mouvement et se le communiquer les uns aux autres selon les mêmes rapports qu'auparavant ; enfin l'individu conserve toujours sa nature qu'il se meuve dans toutes ses parties ou qu'il reste en repos, que son mouvement ait telle direction ou telle autre, pourvu que chaque partie garde son mouvement et le communique aux autres comme auparavant. Ainsi un individu composé peut être affecté d'une multitude de manières tout en conservant sa nature.
...
Avec cette notion de l'individualité, nous pouvons en tout cas admettre que le corps humain est un individu composé de plusieurs individus de natures diverses, dont chacun lui-même est fort composé, que par là même il est affecté d'un grand nombre de façons par les corps extérieurs, mais qu'il peut aussi dans de certaines conditions maintenir sa nature. Parallèlement l'idée qui constitue l'âme humaine n'est pas simple ; elle est composée de toutes les idées de toutes les parties qui composent le corps humain
[...]
Mais [Spinoza] traite l'union d'où résulte l'individu mieux que comme une effet accidentel : il lui attribue une nature propre ; il se sert à maintes reprises du terme de "forme" pour la caractériser et l'on sait que ce terme de forme, hérité de la scolastique, désigne ce qu'il y a de plus réel. Par surcroît, à la forme de l'individu corporel doit correspondre dans la pensée une idée, et si l'âme, en tant qu'idée du corps, est l'idée de ses parties, elle doit être aussi l'idée de leur union
[...]
... le tout dans l'individu s'impose en quelque mesure aux parties dont il est l'union ; il a sa loi propre d'existence et de développement.

Note : Ethique II prop. 15 : L’idée qui constitue l’être formel de l’Esprit humain est non pas simple, mais composée d’un très grand nombre d’idées.
L’âme est donc à la fois une idée et un complexe d’idées, la composant dans son être : elle est la « somme » ou l’intégrale de ses idées, comme le corps individuel est la somme ou l’intégrale de ses parties. L’âme est de nature individuelle.


La nature humaine

...Qu'est-ce donc qui règle le cours de l'existence humaine ? Ce ne peut être un principe spécial à l'homme, et qui ferait de l'homme dans la nature comme un empire dans un empire. Ce ne peut être qu'un principe qui s'applique à toute existence naturelle, et le voici :Chaque chose, autant qu'il est en elle, s'efforce de persévérer dans son être (Eth.III prop.6). Toutes les tendances humaines ne sont que des expressions de cet effort. Quand cet effort se rapporte à l'âme seule, il s'appelle volonté, quand il se rapporte à l'âme et au corps à la fois, il s'appelle appétit ; quand l'appétit s'accompagne de la conscience de lui-même, il s'appelle désir. Mais c'est dans l'effort fondamental de chaque être, quel qu'il soit, pour persévérer dans son être que se touve la loi qui explique toutes ses manières d'être.
Cette loi paraît être simplement la loi de l'inertie, et elle correspond sans doute ainsi au dessein qu'a Spinoza de rejeter de l'être humain, comme de tout être en général, des causes spontanées de changement...

La servitude de l'âme

Les définitions de la IIIème partie de l'Ethique font du concept de passion une espèce de concept plus général d'affection, lequel doit comprendre aussi bien les états d'activité que les états de passivité de l'âme. Nous sommes actifs en effet lorsque en nous ou hors de nous quelque chose se produit dont nous sommes la cause adéquate, c'est à dire lorsqu'il suit de notre nature quelque chose dont qui se peut connaître clairement et distinctement par elle seule. Nous sommes passifs au contraire lorqu'il se produit en nous quelque chose ou qu'il suit de notre nature quelque chose dont nous ne sommes la cause que partiellement. Entendons maintenant par affections les modifications du corps par lesquelles la puissance de ce corps, selon les moments, accrue ou réduite, et en même temps les idées de ces affections. Dès lors, quand nous pouvons être la cause adéquate de quelqu'une de ces modifications, l'affection est une action, dans les autres cas une passion. Distinction capitale...
Que notre tendance à persévérer dans notre être commence par subir l'influence des modifications imposées à notre corps, c'est là un fait incontestable et dont Spinoza établira ailleurs la nécessité. Notre état primitif est donc un état de passivité ; nos premières affections sont des passions... ; ce qui veut dire que les changements nombreux et variés qui s'accomplissent alors en nous dépendent, non de nous, mais de causes extérieures représentées à notre esprit par des idées confuses. Ainsi, si quelque chose augmente ou diminue, favorise ou empêche la puissance d'agir de notre corps, l'idée de cette chose augmente ou diminue la puissance de penser de notre âme. Or la puissance d'agir soit du corps, soit de l'âme c'est ce qu'on peut appeler perfection, et le terme de perfection appliqué aux états humains ne saurait avoir d'autre signification positive que celle-là. En conséquence, la joie est une passion par laquelle l'âme passe à une perfection plus grande, la tristesse une passion par laquelle l'âme passe à une perfection moindre. C'est le passage qui fait la joie, autant que celle-ci est une passion, comme c'est le passage qui fait la tristesse.
...
La joie et la tristesse, ainsi que le désir auquel elles sont liées, sont les trois affections primitives dont toutes autres doivent naître [...]
Tous les rapports [que l'homme] contracte avec les choses finies et contingentes comme telles, c'est à dire prises isolément et hors de l'ordre nécessaire qui exprime la puissance divine ne sont que des rapports changeants et accidentels, déterminés par la seule imagination. C'est donc par la diversité de ces rapports que Spinoza explique la diversité des passions.
...
L'âme, autant qu'elle peut, s'efforce d'imaginer ce qui augmente ou favorise la puissance d'agir du corps, et par suite sa propre puissance d'agir. Lorsqu'elle est contrainte d'imaginer quelque chose qui diminue la puissance du corps et sa propre puissance, elle tend à écarter cette représentation par des images contraires. Or lorsqu'elle imagine ce qui accroît sa puissance, elle éprouve de la joie, quand elle imagine ce qui diminue sa puissance, elle éprouve de la tristesse. Elle aime donc l'objet dont elle associe l'image à sa joie... Ainsi nous connaissons clairement ce qu'est l'amour et ce qu'est la haine : l'amour n'est autre chose qu'une joie qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure ; la haine n'est autre chose qu'une tristesse qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure.

La libération de l'âme

Pour ce qui est de nous la connaissance de la perfection ou de l'imperfection n'est positivement que la conscience de notre puissance ou de notre impuissance, de même que connaissance du bien et du mal n'est que la conscience joie ou de notre tristesse.
[...]
Le principe de la vertu ne peut être que dans l'effort même de chaque être pour persévérer dans son propre être : s'il était posé ailleurs, il impliquerait qu'un être peut renier son essence ou agir en dehors d'elle, ce qui est absurde. Il signifie donc que notre seule règle, c'est de rechercher ce qui peut servir à la conservation et à l'accroissement de notre être, ce qui par conséquent nous est utile.
[...]
Mais l'effort pour persévérer dans l'être se laisse déterminer en l'homme par des circonstances extérieures ; d'autant qu'il a besoin des choses du dehors pour se produire, s'entretenir et se fortifier... Nous ne devons pas tenir pour bonne toute action que nous sentons telle, isolément et momentanément, par la joie qui l'accompagne, tenir pour utile toute action qui nous paraît telle : pour qu'elle soit bonne il faut que l'action soit accompagnée d'une joie durable, et pour qu'elle soit utile, il faut qu'elle soit reconnue avec certitude comme contribuant à la conservation de notre être. La vertu consiste donc à rechercher l'utile, non pas suivant les suggestions des sens et de l'imagination, mais sous la conduite de la raison.
[...]
Comprendre est la vertu absolue de l'âme : car l'âme, ayant pour essence de connaître, n'a de puissance et n'est active, par conséquent n'a de vertu, que pour autant que ses idées dépendent d'elle seule et non des causes extérieures, que tout autant que ses idées sont adéquates.
[...]
Il est légitime que nous cherchions toujours ce qui nous est le plus utile; or un objet nous est d'autant plus utile qu'il s'accorde mieux avec notre nature propre, et ce qui s'accorde le mieux avec notre nature propre, c'est la nature de nos semblables. Mais cet accord des hommes entre eux, qui est fondé sur la communauté de leur nature s'affaiblit et même peut se changer en opposition et en lutte, dès que dominent les passions, car les passions mettent les individus pour une plus ou moins grande part hors de leur nature en les assujettissant à l'influence des circonstances extérieures. C'est seulement dans la mesure où ils vivent sous la direction de la raison que les hommes s'accordent nécesairement entre eux; mais alors rien n'est plus utile à l'homme que l'homme même; alors l'homme est un dieu pour l'homme. La raison seule établit entre les hommes des liens solides d'amitié et d'assistance réciproques; et elle les établit sans porter atteinte à la puissance et à la joie de chacun...

Lecture continue de l'Ethique



daoyinreims@gmail.com





03 26 83 87 27

  
























Zhong Yong