Conférence, 2012.
La façon, dont Descartes a pu établir la possibilité d'une science mathématique du mouvement, a été fixée par la tentative de "procéder comme les mathématiques qui ne supposent dans leurs objets rien que l'expérience a rendu incertain". Autrement dit, il s'agit toujours et même dans le domaine du changement physique, de supprimer l'indétermination de la matière (hylè) en élaborant un mode de connaissance qui fasse abstraction de cette matière elle-même et qui surmonte donc l'indétermination qu'elle provoque. Mathématiser ou plutôt interpréter mathématiquement un étant physique signifie dématérialiser la chose en un objet.
Car, contrairement à ce que l'on répète, il ne s'agit pas pour Descartes de promouvoir une mathématisation de la nature, mais une objectivation de la nature.
Il ne s'agit plus maintenant que de connaître des objets et pour les connaître, il faut les produire.
Expliquons cette opération : elle consiste à constituer des objets en mettant entre parenthèses la chose, afin d'éliminer l'indétermination et à ne retenir pour l'expérience que les éléments qui satisfont à l'unique condition de la certitude. Selon Descartes, il y a deux critères qui décident ce que l'on doit retenir de la chose pour en faire un objet : mensura (mesure de dimensions, de qualités) et ordo (ordre, mise en ordre des mesures, modèle, modélisation).
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Kant reprendra ce dispositif en se bornant à le transformer : pour lui les paramètres (mensura) renvoient à l'espace et mettent en oeuvre la qualité et la quantité de la relation, tandis que les modèles, ordo, suppose lui le temps pour organiser la constitution des paramètres dans son ensemble et met en oeuvre avant tout les catégories kantiennes de la modalité. précisément celles qui rapportent l'objet à l'esprit qui les constitue.
L'objet se distingue donc fondamentalement de la chose. Non seulement il réduit l'expérience de la chose à la mesure de ce que la certitude tolère en matière de contingence, mais surtout l'objet substitue à la chose, ce que les paramètres et les modèles permettent d'en constituer. L'objet ne fournit donc pas une version certaine de la chose à déterminer, mais il lui substitue une reconstitution partielle constituée à partir de la réduction de l'expérience imposée par les critères de certitude. La certitude doit toujours s'entendre comme la certitude pour notre esprit.
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L'objet prend la place de la chose mais par défaut, parce qu'il consent parfaitement à son aliénation envers l'ego, tandis que la chose reste par définition en soi et résiste à l'ego.
Parler de chose en soi, c'est
exprimer un pléonasme. Par définition la chose est en soi et l'objet est par un autre : le ministre de la certitude, l'ego.
De surcroît
Etant donné
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