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Spinoza - Courts extraits choisis - Lectures dirigées

Spinoza (1632-1677) ...

L'Ethique

Partie I

Les définitions prétendent « faire connaître une chose telle qu’elle est hors de l’entendement ».
Déf.1 : Par cause de soi, j’entends ce dont l’essence enveloppe (involvere) l’existence, autrement dit, ce dont la nature ne peut se concevoir qu’existante.
Déf.2 : Est dite finie en son genre, la chose qui peut être bornée par une autre de même nature.
Par ex., un corps est dit fini, parce que nous en concevons toujours un autre plus grand. De même, une pensée est bornée par une autre pensée. Mais un corps n’est pas borné par une pensée, ni une pensée par un corps.
Déf.3 : Par substance, j’entends ce qui est en soi, et se conçoit par soi c’est-à-dire, ce dont le concept n’a pas besoin du concept d’autre chose, d’où il faille le former.
S’oppose à l’être « en autre chose » et qui se conçoit « par autre chose » qu’est un mode.
Déf.4 : Par attribut, j’entends ce que l’intellect perçoit d’une substance comme constituant son essence.
Ce qui la définit, sa nature ou essence, et ce par quoi elle est donc « perçue » ou comprise.
Déf.5 : Par mode (modum), j’entends les affections d’une substance, autrement dit, ce qui est en autre chose, et se conçoit aussi par cette autre chose.
Un mode est une « manière » d’être, désigne les modifications particulières (« affectio ») d’une substance.
Par exemple un corps déterminé, de telle forme, de telles dimensions, est un mode.

Déf.6 : Par Dieu, j’entends un étant absolument infini, c’est-à-dire une substance consistant en une infinité d’attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie.
Déf.7 : Est dite libre la chose qui existe par la seule nécessité de sa nature, et se détermine par soi seule à agir (agere) : et nécessaire, ou plutôt contrainte (coacta), celle qu’autre chose détermine à exister et à opérer (operare) de façon précise et déterminée.


Une substance est antérieure (ou première) de nature (prior natura) à ses affections.

Deux substances ayant des attributs différents n’ont rien de commun entre elles.

Des choses qui n’ont rien de commun entre elles, l’une ne peut être la cause de l’autre.

Deux ou plusieurs choses distinctes se distinguent entre elles soit parce que les attributs des substances sont différents, soit parce que les affections de ces mêmes substances sont différentes.
...
[...] Dieu agit par les seules lois de sa nature et sans subir aucune contrainte [...]

Pour Spinoza, Dieu est la puissance causale absolue et l'homme une partie de la puissance causale absolue, une modalité de la substance...


Partie II

Les définitions qu'énonce Spinoza portent sur la « nature naturée ».
Déf.1 : Par corps, j’entends un mode qui exprime, de manière précise et déterminée, l’essence de Dieu en tant qu’on le considère comme chose étendue
Déf. 2 : Je dis appartenir à l’essence d’une chose ce dont la présence pose nécessairement la chose, et dont la suppression supprime nécessairement la chose ; ou encore, ce sans quoi la chose, et inversement ce qui sans la chose, ne peut être ni se concevoir.
- la chose est impossible et inconcevable sans l’essence
- l’essence donne (« pose ») nécessairement la chose
- l’essence est impossible et inconcevable sans la chose.
L’essence d’une chose, c’est ce qui la définit en tant qu’elle est une manière d’être déterminée (et singulière) de la substance. L’essence n’est rien non plus en dehors de la chose dont elle est l’essence : l’essence est toujours l’essence d’une « certaine chose

Déf. 3 : Par idée, j’entends un concept de l’Esprit [Âme, mens], que l’Esprit forme pour ce qu’il est une chose pensante.
Explication : Je dis concept plutôt que perception, parce que le nom de perception semble indiquer que l’Esprit pâtit d’un objet. Alors que concept semblerait exprimer une action de l’Esprit.
En d'autres termes, l’idée est un « concept » qui exprime une « action » de l’âme (sa production), et non une réceptivité passive. Une idée est un effet de l’âme.

Déf. 4 : Par idée adéquate, j’entends une idée qui, en tant qu’on la considère en soi sans rapport à l’objet, a toutes les propriétés ou dénominations intrinsèques de l’idée vraie.
Explication : Je dis intrinsèques, pour exclure celle qui est extrinsèque, à savoir la convenance de l’idée avec ce dont elle est l’idée.

Pour Spinoza, les cinq axiomes suivants sont considérés « comme s’il s’agissait de vérités de fait, enseignées par l’expérience. » Guéroult
Axiome 1 : L’essence de l’homme n’enveloppe pas l’existence nécessaire, c’est-à-dire, selon l’ordre de la nature, il peut aussi bien se faire que tel homme existe, ou bien qu’il n’existe pas.
Axiome 2 : L’homme pense.
Axiome 3 : Il n’y a de modes [manières] de penser, comme l’amour, le désir, ou tout autre que l’on désigne sous le nom d’affect de l’âme, qu’à la condition qu’il y ait, dans le même individu, l’idée d’une chose aimée, désirée, etc. Mais il peut y avoir l’idée sans qu’il y ait aucun autre mode de penser.
Axiome 4 : Nous sentons qu’un certain corps est affecté de beaucoup de manières.
Seules les sensations elles-mêmes – perceptions sensibles des affections de notre corps – sont rapportées à nous : « nous sentons ». Parmi les modes de penser, il y a les sensations, qui se rapportent aux affections d’un corps. Les sensations sont « les idées d’affections du corps »
Axiome 5 : Nous ne sentons ni ne percevons de choses singulières, à part les corps et les manières de penser.
Cet axiome indique le caractère limité de l’expérience humaine réduite aux données de l’axiome 2 et de l’axiome 4 : nous ne sommes en rapport (sensible) qu’avec des affections de l’étendue (les corps, le nôtre et les autres, en tant qu’ils affectent le nôtre) et des affections de la pensée (les modes de la pensée). Nous ne sommes en rapport qu’avec deux attributs de la substance (parmi une infinité).

Axiomes et des lemmes physiques du De Mente :
Axiome I : Tous les corps sont soit en mouvement, soit en repos.
Lemme I : Les corps se distinguent entre eux sous le rapport du mouvement et du repos, de la vitesse et de la lenteur, et non sous le rapport de la substance.
Lemme II : Tous les corps conviennent en certaines choses.
De "convenire" : avoir quelque chose en commun
Lemme III : Un corps en mouvement ou en repos a dû être déterminé au mouvement ou au repos par un autre corps, qui lui aussi a été déterminé au mouvement ou au repos par un autre, et celui-ci à son tour par un autre, et ainsi à l’infini.
Conditions dans lesauelles conditions les corps agissent les uns sur les autres.
Axiome I(a) : Toutes les manières dont un corps est affecté par un autre corps suivent de la nature du corps affecté, et en même temps de la nature du corps qui l’affecte ; de sorte qu’un seul et même corps est mû de manière différente en raison de la différence des corps qui le meuvent, et que par contre, des corps différents sont mus de manière différente par un seul et même corps.
Axiome II(a) : Quand un corps en mouvement en frappe un autre qui est en repos sans pouvoir l’écarter, il est réfléchi de manière qu’il continue de se mouvoir, et l’angle que fait la ligne du mouvement de réflexion avec le plan du corps en repos qu’il a frappé sera égal à l’angle que fait la ligne du mouvement d’incidence avec ce même plan.
Définition : Quand un certain nombre de corps, de même grandeur ou de grandeur différente, sont pressés par les autres de telle sorte qu’il s’appuient les uns sur les autres ou bien, s’ils sont en mouvement, à la même vitesse ou à des vitesses différentes, qu’ils se communiquent les uns aux autres leurs mouvements selon un certain rapport précis, ces corps, nous les dirons unis entre eux, et nous dirons qu’ils composent tous ensemble un seul corps ou Individu, qui se distingue de tous les autres par cette union entre corps.
Axiome III : Plus sont grandes ou petites les surfaces suivant lesquelles les parties d’un Individu, ou d’un corps composé, s’appuient les unes sur les autres, plus il est difficile ou facile de les forcer à changer de place, et par conséquent plus il est difficile ou facile de faire que l’Individu lui-même revête une autre figure. Et par là, les corps dont les parties s’appuient les unes sur les autres suivant de grandes surfaces, je les appellerai durs ; suivant de petites surfaces, mous ; et ceux enfin dont les parties se meuvent les unes dans les autres, fluides.
Lemme IV : Si d’un corps, autrement dit d’un Individu, composé de plusieurs corps, certains corps se séparent, et qu’en même temps d’autres corps de même nature et en nombre égal viennent prendre leur place, l’Individu gardera sa nature d’avant, sans changement de forme.
[...]
Lemme VII : En outre, un Individu ainsi composé garde sa nature, qu’il se meuve en son entier, ou qu’il soit en repos, ou qu’il se meuve vers telle ou telle partie, pourvu que chaque partie garde son mouvement, et le communique aux autres comme auparavant.
Les postulats concernant le corps humain
Postulat I : Le corps humain est composé d’un très grand nombre d’individus (de nature diverse), dont chacun est très composé.
Postulat II : Des individus dont est composé le corps humain, certains sont fluides, certains mous, et certains, enfin, durs.
Postulat III : Les Individus composant le corps humain, et par conséquent le corps humain lui-même est affecté par les corps extérieurs d’un très grand nombre de manières.
Postulat IV : Le Corps humain a, pour se conserver, besoin d’un très grand nombre d’autres corps, qui pour ainsi dire le régénèrent continuellement.
Postulat V : Quand une partie fluide du corps humain est déterminée par un corps extérieur à venir souvent frapper contre une autre partie molle, elle change la surface de celle-ci, et y imprime comme des traces du corps extérieur qui la pousse.
Postulat VI : Le Corps humain peut mouvoir les corps extérieur d’un très grand nombre de manières, et les disposer d’un très grand nombre de manières.


Prop. 1 La Pensée est un attribut de Dieu, autrement dit, Dieu est chose pensante (res cogitans).

Prop. 2 L’Etendue est un attribut de Dieu, autrement dit, Dieu est chose étendue (res extensa)

Prop. 3 En Dieu, il y a nécessairement une idée tant de son essence que de tout ce qui suit nécessairement de son essence.
...
Prop. 7 L’ordre et l’enchaînement, connexio, des idées est le même que l’ordre et l’enchaînement des choses.

Prop. 10 A l’essence de l’homme n’appartient pas l’être de la substance, autrement dit, la substance ne constitue pas la forme de l’homme.
L’essence de l’homme n’est pas substantielle (seuls les attributs ont une « forme » ou réalité substantielle, sont substantiellement). C’est une essence de mode.

Prop. 13 L’objet de l’idée constituant l’Esprit humain est le corps, autrement dit une manière, modus, de l’Etendue précise et existant en acte, et rien d’autre.
Ainsi, l’âme humaine ne perçoit jamais que ce qui arrive à son corps. Inversement, un corps qui n’affecte pas notre corps n’est pas perçu par nous. Donc âme et corps sont un seul et même individu, conçu tantôt sous l’attribut de la pensée, tantôt sous celui de l’étendue. L’âme et le corps une seule et même réalité, envisagée tantôt sous l’attribut pensée, tantôt sous l’attribut étendue.
Scolie - Je dis en général que plus un corps est apte par rapport aux autres à être actif ou passif, plus son esprit (mens) est apte, par rapport aux autres esprits, à percevoir plus de choses à la fois.
Actions et réactions du corps sont inséparables du discernement de l'âme (mens).
Seul un corps apte à être affecté de plusieurs façons à la fois peut agir à travers les propriétés qu’il a en commun avec d’autres corps (Séverac).

...
Prop. 16 L’idée d’une quelconque manière dont le Corps humain est affecté par les corps extérieurs doit envelopper la nature du Corps humain, et en même temps la nature du Corps extérieur.
La « nature » du Corps extérieur : par ex. la nature du feu, selon la physique de l’époque, consiste dans le mouvement très rapide de petites particules très acérées ; la brûlure est la trace laissée dans mon corps par le feu, trace qui conditionne l’affection elle-même ; elle ne nous révèle pas la nature du feu, mais l’indique confusément en tant que les lésions des tissus brûlés enveloppe comme sa cause la nature des pointes qui les ont déchirés

Prop. 17 Si le Corps humain est affecté d’une manière qui enveloppe la nature d’un corps extérieur, l’Esprit humain contemplera ce même corps extérieur comme existant en acte, ou comme étant en sa présence, jusqu’à ce que le Corps soit affecté d’un affect qui exclue l’existence, ou la présence, de ce corps.
...
Prop. 19 L’Esprit humain ne connaît le Corps humain lui-même, et ne sait qu’il existe, qu’à travers les idées des affections dont le Corps est affecté.
La perception du corps propre n’est pas de nature différente de celle des corps extérieurs, et ne s’effectue qu’à l’occasion même de la perception des autres corps (et réciproquement). Si l’âme humaine est « idée du corps », elle n’a pas l’idée (adéquate) de son corps : elle l’imagine, elle en « connaît » les affections, mais non l’essence.
...
Prop. 22 L’Esprit humain perçoit non seulement les affections de Corps, mais aussi les idées de ces affections.
Cette réflexivité objective des idées a son versant subjectif : la conscience (dans le « sujet »), définie comme perception des idées des affections du corps. L’âme n’a pas connaissance d’elle-même directement mais seulement par l’intermédiaire des idées de ses propres affections (affections de l’âme, affections mentales), elles-mêmes étant les idées des affections de son corps.
...
Prop. 23 L’Esprit ne se connaît pas lui-même, si ce n’est en tant qu’il perçoit les idées des affections du Corps.
...
Prop. 26 L’Esprit humain ne perçoit aucun corps extérieur comme existant en acte, si ce n’est à travers les idées des affections de son propre corps.
...
Prop. 27 L’idée d’une quelconque affection du corps humain n’enveloppe pas la connaissance adéquate du corps humain lui-même.
...
Prop. 28 Les idées des affections du corps humain, en tant qu’elles se rapportent seulement à l’esprit humain, ne sont pas claires et distinctes, mais confuses.
...
Prop. 29 L’idée de l’idée d’une quelconque affection du Corps humain n’enveloppe pas la connaissance adéquate de l’Esprit humain.
La démonstration s'appuie sur l’axiome 6 de la partie I : « L’idée vraie doit convenir avec ce dont elle est l’idée ». « Ne convient pas avec la nature de l’âme de manière adéquate » : en effet, la nature de l’âme est d’être constituée par l’idée du corps ; or l’idée d’une affection du corps n’enveloppant pas la connaissance adéquate du corps (prop. 27), l’idée de cette idée ne convient pas avec la nature de l’âme, qui est précisément d’être l’idée du corps.
Scolie : « percevoir à partir de l’ordre commun de la nature » c'est être « déterminé du dehors » c'est à dire par la « rencontre fortuite des choses », c'est aussi loi de la durée (ou contingence). Cette phrase esquisse les conditions d’une autre forme de connaissance, adéquate, développée par la suite ci-dessous : être déterminé « du dedans » c'est à dire comprendre (intelligere) en quoi les choses peuvent convenir/différer/s’opposer (non plus les choses elles-mêmes mais leurs rapports : entrée dans la pensée « logique » ou rationnelle) soit percevoir plusieurs choses à la fois ce qui correspond à la loi de l’éternité
.
...
De là suit que que l'homme est constitué d'un esprit et d'un corps et que le corps existe tel que nous le sentons.
Par là nous comprenons non seulement que l'esprit humain est uni au corps, mais aussi ce qu'il faut entendre par union de l'esprit et du corps. Mais nul ne pourra comprendre l'esprit humain lui-même de manière adéquate, autrement dit distincte, s'il ne connaît d'abord de manière adéquate la nature de notre corps.

[...] C'est pourquoi pour déterminer en quoi l'esprit humain diffère des autres et l'emporte sur les autres, il nous est nécessaire de connaître la nature de son objet, c'est à dire du corps humain.

Prop. 34 Toute idée qui est en nous absolue, autrement dit adéquate et parfaite, est vraie.
Penser les choses de manière adéquate ou parfaite/complète/absolue, c’est penser les choses selon leur origine et leur cause. Cette pensée ne peut que convenir avec son objet

Prop. 35 La fausseté consiste dans une privation de connaissance qu’enveloppent les idées inadéquates, autrement dit mutilées et confuses.

Prop. 37 Ce qui est commun à tout, et est autant dans la partie que dans le tout, ne constitue l’essence d’aucune chose singulière.

Prop. 38 Les choses qui sont communes à tout, et sont autant dans la partie que dans le tout, ne peuvent se concevoir qu’adéquatement.

Prop. 39 Ce qui est commun au corps humain et à certains corps extérieurs par lesquels le corps humain est ordinairement affecté, et leur est propre, et est autant dans la partie de chacun d’eux que dans le tout, de cela aussi l’idée sera dans l’esprit adéquate.

Prop. 40 Toutes les idées qui, dans l’esprit, suivent d’idées qui y sont adéquates, sont également adéquates.

Prop. 45 Chaque idée d’un corps quelconque, ou d’une chose singulière, existant en acte, enveloppe nécessairement l’essence éternelle et infinie de Dieu.

Prop. 46 La connaissance de l’essence éternelle et infinie de Dieu qu’enveloppe chaque idée est adéquate et parfaite.

Prop. 47 L’Esprit humain a la connaissance adéquate de l’essence éternelle et infinie de Dieu.


Partie III

Déf. 1 : J’appelle cause adéquate celle dont l’effet peut se percevoir clairement et distinctement par elle. Et j’appelle cause inadéquate, autrement dit partielle, celle dont l’effet ne peut se comprendre par elle seule.
Agir comme cause adéquate, c’est agir à la manière d’une cause libre. Agir par contrainte, c’est être compris comme cause inadéquate de ses effets.
Déf. 2 : Je dis que nous agissons [agere], quand il se fait en nous ou hors de nous quelque chose dont nous sommes cause adéquate, c’est-à-dire (par la déf. Précédente) quand de notre nature il suit, en nous ou hors de nous, quelque chose qui peut se comprendre clairement et distinctement par elle seule. Et je dis au contraire que nous pâtissons, quand il se fait en nous quelque chose, ou quand de notre nature il suit quelque chose, dont nous ne sommes la cause que partielle.
Distinction entre « action » et « passion », activité et passivité, fondée sur la définition 1 des causes adéquate et inadéquate. Passion et action sont simultanément dans le corps et dans l’âme.

Déf. 3 : Par Affect (affectus), j’entends les affections du Corps, qui augmentent ou diminuent, aident ou contrarient, la puissance d’agir de ce Corps, et en même temps les idées de ces affections.
Affectus correspond à la fois à une modification dans le corps en termes de variation de puissance, et à l’idée de cette modification dans l’âme. Il y a coïncidence d’une affection du corps et de l’idée de cette affection telle qu’elle se produit simultanément dans l’âme (l’âme étant l’idée du corps).


Prop. 1 Notre esprit agit en certaines choses et pâtit en d’autres, à savoir, en tant qu’il a des idées adéquates, en cela nécessairement il agit en certaines choses, et, en tant qu’il a des idées inadéquates, en cela nécessairement il pâtit en d’autres.

Prop. 2 Le corps ne peut déterminer l’esprit à penser, ni l’esprit déterminer le corps au mouvement, ni au repos, ni à quelque chose d’autre (si ça existe).
Le corps n’a pas d’effet sur l’âme, l’âme n’a pas d’effet sur le corps. En d'autres termes Il n'y a pas de causalité entre les modes de la pensée et de l’étendue. L'enjeu est de démontrer que le régime action/passion d’un esprit ne dépend pas du corps, mais des seules idées de l’esprit.

Prop. 3 Les actions de l’esprit naissent des seules idées adéquates ; et les passions dépendent des seules inadéquates.
La conclusion est qu'l n’y a pas d’autres causes des actions de l’esprit que les idées adéquates, ni d’autres causes des passions de l’esprit que les idées inadéquates : le régime d’action/passion (et donc de « liberté » pour Spinoza) d’un esprit ne dépend que de la proportion d’idées adéquates/inadéquates qui se forment en lui.

Prop. 4 Nulle chose ne peut être détruite, sinon par une cause extérieure.

Prop. 5 Des choses sont de nature contraire, c’est-à-dire ne peuvent être dans le même sujet, en tant que l’une peut détruire l’autre.

Prop. 6 Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce, conatur, de persévérer dans son être.

Prop. 7 L’effort, conatus, par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien à part l’essence actuelle de cette chose.
...
Prop. 11 Toute chose qui augmente ou diminue, aide ou contrarie, la puissance d’agir de notre corps, l’idée de cette même chose augmente ou diminue, aide ou contrarie, la puissance de penser de notre esprit.

Prop. 12 L’Esprit, autant qu’il peut, s’efforce d’imaginer ce qui augmente ou aide la puissance d’agir du Corps.

Prop. 13 Quand l’Esprit imagine ce qui diminue ou contrarie la puissance d’agir du Corps, il s’efforce, autant qu’il peut, de se souvenir de choses qui en excluent l’existence.

Prop. 14 Si l’Esprit a été une fois affecté par deux affects à la fois, lorsque plus tard l’un des deux l’affectera, l’autre l’affectera aussi.

Prop. 15 N’importe quelle chose peut être par accident cause de Joie, de Tristesse, ou de Désir.
...
Prop. 20 Qui imagine détruit ce qu’il a en haine sera joyeux.

Prop. 28 Tout ce que nous imaginons contribuer à la Joie, nous nous efforçons de le promouvoir pour que cela se fasse ; et ce que nous imaginons y être contraire, autrement dit contribuer à la Tristesse, nous nous efforçons de l’éloigner ou de le détruire.

Prop. 33 Quand nous aimons une chose semblable à nous, nous nous efforçons, autant que nous pouvons, de faire qu’elle nous aime en retour.

Prop. 37 Le Désir qui naît par Tristesse ou bien Joie, et par Haine ou bien Amour, est d’autant plus grand que l’affect est plus grand.

Prop. 39 Qui a quelqu’un en Haine s’efforcera de lui faire du mal, sauf s’il a peur qu’en naisse un plus grand mal pour lui ; et, au contraire, qui aime quelqu’un, par la même loi s’efforcera de lui faire du bien.

Prop. 55 Quand l’esprit imagine son impuissance, par là même il est triste.


Partie IV

Déf.1 : Par bien, j’entendrai ce que nous savons avec certitude nous être utile. Déf.2 : Et par mal, ce que nous savons avec certitude empêcher que nous possédions un bien. 3 : Les choses singulières, je les appelle contingentes, en tant qu’à l’examen de leur seule essence, nous ne trouvons rien qui pose nécessairement leur existence, ou bien qui l’exclue nécessairement. 4 : Ces mêmes choses singulières, je les appelle possibles, en tant qu’à l’examen des causes qui doivent les produire nous ne savons pas si ces causes sont elles-mêmes déterminées à les produire. Déf. 1 : Par bien, j’entendrai ce que nous savons avec certitude nous être utile.
Déf. 2 : Et par mal, ce que nous savons avec certitude empêcher que nous possédions un bien.
Déf. 3 : Les choses singulières, je les appelle contingentes, en tant qu’à l’examen de leur seule essence, nous ne trouvons rien qui pose nécessairement leur existence, ou bien qui l’exclue nécessairement.
Déf. 4 : Ces mêmes choses singulières, je les appelle possibles, en tant qu’à l’examen des causes qui doivent les produire nous ne savons pas si ces causes sont elles-mêmes déterminées à les produire.
Déf.5 : Par affects contraires, j’entendrai dans la suite ceux qui entrainent l’homme dans des sens différents, quand même ils sont du même genre, comme gourmandise et avarice, qui sont des espèces d’amour ; et ce n’est pas par nature, mais par accident, qu’ils sont contraires.
...
Déf. 7 : Par fin en vue de quoi nous faisons quelque chose, j’entends l’appétit.
Déf. 8 : Par vertu et puissance, j’entends la même chose, c’est-à-dire, la vertu, en tant qu’elle se rapporte à l’homme, est l’essence même ou nature de l’homme, en tant qu’il a le pouvoir de produire certains effets qui peuvent se comprendre par les seules lois de sa nature.
Axiome : Il n’y a pas de chose singulière, dans la nature des choses, qu’il n’y en ait une autre plus puissante et plus forte. Mais, étant donnée une chose quelconque, il y en a une autre plus puissante, par qui la première peut être détruite.



Prop. 3 : La force par laquelle l’homme persévère dans l’exister est limitée, et la puissance des causes extérieures la surpasse infiniment.

Prop.7 : Un affect ne peut être contrarié ni supprimé que par un affect contraire et plus fort que l’affect à contrarier.
Il n’y pas moyen de contrarier un affect si ce n'est par l’intervention d’autres affects, c’est dire « l'idée d’une autre affection du corps ».

Prop.8 : La connaissance du bien et du mal n’est rien d’autre que l’affect de joie ou de tristesse, en tant que nous en sommes conscients.

Prop.9 : Un affect dont nous imaginons que la cause nous est en ce moment présente, est plus fort que si nous imaginons qu’elle n’est pas présente.
Explicitation : Une chose imaginée comme présente (perçue) nous affecte davantage qu’une chose imaginée comme non-présente (passée ou future). Précision : en toute rigueur, imaginer consiste toujours à se représenter une chose comme si elle était présente (II, 17, sc).

Prop.10 : A l’égard d’une chose future dont nous imaginons qu’elle va bientôt avoir lieu, nous sommes plus intensément affectés que si nous imaginions que son temps d’exister est plus loin du présent ; et le souvenir d’une chose que nous imaginons avoir eu lieu il y a peu nous affecte également plus intensément que si nous imaginions qu’elle a eu lieu il y a longtemps.
Les affects liés à des choses inactuelles, c'est à dire passées ou futures, varient en intensité à proportion de leur éloignement temporel par rapport au présent.

Prop.11 : Un affect à l’égard d’une chose que nous imaginons comme nécessaire est, toutes choses égales d’ailleurs, plus intense qu’à l’égard d’une chose possible ou contingente, autrement dit non nécessaire.
L'intensité ou la force d’un affect à l’égard d’une chose imaginée comme nécessaire est plus grande qu’à l’égard d’une chose considérée comme non nécessaire c'est à dire possible ou contingente.

Prop.15 : Un désir qui nait de la connaissance du bien et du mal peut être éteint ou contrarié par beaucoup d’autres désirs qui naissent des affects auxquels nous sommes en proie.
Le fait de savoir ce qui nous est utile, en tant que tel, ne suffit pas du même coup à nous déterminer à agir en vue de cet utile (désir) : les affects passifs sont susceptibles de continuer à déterminer nos actes. Connaître c'est agir et la force du désir qui en naît dépend de la seule puissance de l'homme considéré. Car la force des désirs naissant des affects passifs correspond à la force des causes extérieures à laquelle nous allons opposer la nôtre.

Prop.20 Plus chacun s’efforce de rechercher ce qui lui est utile, c’est-à-dire de conserver son être, et en a le pouvoir, plus il est doté de vertu ; et, au contraire, en tant que chacun néglige ce qui lui est utile, c’est-à-dire de conserver son être, en cela il est impuissant.
Plus un homme parvient effectivement à conserver son être par la recherche bien menée de son utilité propre, plus il réalise ainsi son essence propre, plus il est « vertueux » ou « puissant »

Prop.21 Nul ne peut désirer être bienheureux, bien agir, et bien vivre, sans désirer en même temps être, agir, et vivre, c’est-à-dire exister en acte.
Il n’y a pas lieu de concevoir d’autre bien, d’autre valeur à poursuivre, que celle de la conservation et du déploiement de son être propre, de son essence.

Prop.22 : Nulle vertu ne peut se concevoir avant celle-ci (à savoir l’effort pour se conserver soi-même).

Prop.23 : L’homme, en tant qu’il est déterminé à agir du fait qu’il a des idées inadéquates, ne peut être absolument dit agir par vertu ; mais seulement en tant qu’il est déterminé du fait qu’il comprend.
Agir par vertu, c’est toujours conserver notre être selon le principe de l’intérêt personnel sous la conduite de la Raison, faute de quoi nous resterions la proie des choses.

Prop.24 : Absolument parlant, agir par vertu n’est en nous rien d’autre qu’agir, vivre, conserver son être (trois façons de dire la même chose) sous la conduite de la raison, et ce conformément au fondement qui consiste à rechercher ce qui est proprement utile à soi.

Prop.26 : Tout ce à quoi nous nous efforçons par raison, ce n’est rien d’autre que comprendre ; et l’esprit, en tant qu’il use de raison, ne juge être utile à lui-même que ce qui sert à comprendre.
Vivre sous la conduite de la raison, c’est s’efforcer « par raison », suivre l’effort de l’âme rationnelle, s'appliquer à « comprendre » (intelligere), à saisir l’intelligence des choses, c’est-à-dire former des idées adéquates. Par ailleurs, l'utile n'est jamais qu'un moyen de compréhension. La finalité de la raison, c'est de faire l'effort pour se développer au maximum en nous-même.

Prop.30 : Nulle chose ne peut être mauvaise par ce qu’elle a de [ou en] commun avec notre nature ; mais en tant [autant ou pour autant : quatenus] qu’elle est mauvaise pour nous, en cela [autant ou pour autant : eatenus] elle nous est contraire.

Prop.32 : En tant [pour autant] que les hommes sont sujets aux passions, on ne peut dire qu’ils conviennent en nature.
Les passions rendent les hommes étrangers à eux-mêmes

Prop.34 : En tant [pour autant] que les hommes sont en proie aux affects qui sont des passions, ils peuvent être contraires les uns aux autres.

Prop.35 : C’est en tant seulement qu’ils vivent sous la conduite de la raison, que les hommes nécessairement conviennent toujours en nature.

Prop.38 : Ce qui dispose le Corps humain à pouvoir être affecté de plus de manières, ou ce qui le rend apte à affecter les corps extérieurs de plus de manières, est utile à l’homme ; et d’autant plus utile qu’il rend le Corps plus apte à être affecté, et à affecter les corps extérieurs, de plus de manières ; et est nuisible, au contraire, ce qui y rend le corps moins apte.

Prop.39 : Tout ce qui fait que se conserve le rapport de mouvement et de repos que les parties du corps humain ont entre elles, est bon ; et mauvais, au contraire, tout ce qui fait que les parties du corps humain ont entre elles un autre rapport de mouvement et de repos.

Prop.41 : La Joie, directement, n’est pas mauvaise, mais bonne, et la Tristesse est, au contraire, directement mauvaise.




Partie V

Axiome 1 : Si dans un même sujet sont excitées deux actions contraires, il devra nécessairement se faire un changement soit dans les deux, soit dans une seule, jusqu’à ce qu’elles cessent d’être contraires.
Axiome 2 : La puissance d’un effet se définit par la puissance de sa cause, en tant que son essence s’explique ou se définit par l’essence de sa cause.
Il s'agit des conditions générales du rapport de force entre les « actions » et les affects qui interviennent en nous : c’est la puissance des causes qui déterminent la puissance relative des effets.


Prop. 1 : Selon que les pensées, et les idées des choses, s’ordonnent et s’enchaînent dans l’esprit, de même très exactement les affections du corps, autrement dit les images des choses, s’ordonnent et s’enchaînent dans le corps.
Réciproque du « parallélisme » entre étendue et pensée : à l’ordre de nos pensées correspond nécessairement l’ordre des affections de notre corps.

Prop. 3 : Un affect qui est une passion cesse d’être une passion dès que nous en formons une idée claire et distincte.
La connaissance claire et distincte d’un affect passif (c’est-à-dire la connaissance adéquate de ses causes) tend à le transformer en affect actif

Prop. 5 : L’affect envers une chose que nous imaginons, simplement, et non comme nécessaire, ni comme possible, ni comme contingente, est, toutes choses égales d’ailleurs, le plus grand de tous.
Considérer une chose « simplement », c’est-à-dire comme libre, à l'état isolé, s’accompagne d'une plus grande passivité et soumission aux affects ; invesement, comprendre toutes les choses comme nécessaires implique la plus grande activité de l’âme et son plus grand empire sur les affects.

Prop. 6 : L’esprit, en tant qu’il comprend toutes les choses comme nécessaires, a en cela plus de puissance sur les affects, autrement dit, en pâtit moins.
Comprendre les choses comme nécessaires parce que nous les connaissons par leurs causes, ce qui est le propre de la raison, c’est accroître notre puissance sur les affects.

Prop. 7 : Les affects qui naissent de la raison, ou sont excités par elle, sont, si l’on tient compte du temps, plus puissants que ceux qui se rapportent aux choses singulières que nous contemplons comme absentes.
Par contraste avec les choses absentes, les choses singulières auxquels se rapportent les affects actifs ou rationnels sont conçues sous l’angle de leurs propriétés communes qu'on peut considérer comme toujours présentes et agissantes (puisque communes et nécessaires), ce qui donne à ces affects actifs une plus grande force « du point de vue du temps », une plus grande stabilité à l'âme.

Prop. 8 : Plus il y a de causes qui concourent ensemble à exciter un affect, plus il est grand.
La force d’un affect passif ne se définit pas par notre propre force (celle de notre propre conatus) mais par la force des causes extérieures en comparaison de la nôtre.

Prop. 9 : Un affect qui se rapporte à plusieurs causes, et différentes, que l’esprit contemple en même temps que l’affect lui-même, est moins nuisible, et nous en pâtissons moins, et nous sommes à l’égard de chaque cause moins affectés, qu’un autre affect également grand se rapportant à une seule cause, ou à un moins grand nombre de causes.
Il s'agit replacer les objets sur lesquels nous fixons nos affects dans une plus large perspective en considérant davantage de causes, si bien que l’âme peut penser davantage de choses, actualiser davantage son essence, .

Prop. 10 : Aussi longtemps que nous ne sommes pas en proie à des affects qui sont contraires à notre nature, aussi longtemps nous avons le pouvoir d’ordonner et d’enchaîner les affections du corps suivant un ordre pour l’intellect.
Les affects « contraires à notre nature » sont ceux qui sont « mauvais », donc ceux qui empêchent la puissance de l’âme – qui est de comprendre – de s’exercer et de se déployer, c’est-à-dire d’enchainer des idées adéquates les uns à partir des autres selon l’ordre de l’intellect. Il est donc possible d'établir le lien idée d’idée (connaissance d’un affect)/idée (affect)/affection (du corps), images de choses, c'est à dire en faisant prendre aux idées adéquates, aux affects actifs de l’âme et aux affections actives du corps qui leur correspondent, une place croissante puis dominante en nous. On entrevoit la possibilité d'entraîner son corps à mieux disposer de ses potentialités physiques propres, centralité,... à être mieux assuré de lui-même dans son rapport aux autres corps et « apte à un plus grand nombre de choses ».
En vertu du « parallélisme » la manière dont l’âme enchaîne ses idées a sa correspondance stricte dans la manière dont le corps enchaine ses affections (ce qui lui arrive) : simultanément pour l’âme et pour le corps dont elle est l’idée, soit ce déroulement est soumis au hasard des rencontres et à l’inadéquation de l’imagination, soit il s’ordonne peu à peu selon un ordre rationnel.


Prop. 19 : Qui aime Dieu ne peut faire effort pour que Dieu l’aime en retour.
L’amour envers Dieu ne peut avoir pour effet/conséquence de nous faire désirer un amour réciproque venant de Dieu

Prop. 20 : Cet amour envers Dieu ne peut être souillé ni par l’affect d’envie ni par celui de jalousie ; mais il est d’autant plus alimenté que nous imaginons plus d’hommes joints à Dieu du même lien d’amour.
Scolie : Résumé des proposition précédentes : rappel de l'invincibilité de cet affect actif qu'est l'amour -
récapitulation des 5 « remèdes aux affects », ou modalités qui permettent la conversion progressive de l’affectivité d’un régime passif à un régime de plus en plus actif : clarification, détachement, constance, élargissement, enchainement.


Prop. 21 : L’esprit ne peut rien imaginer, ni rien se rappeler des choses passées, que durant la durée du corps.

Prop. 26 : Plus l’esprit est apte à comprendre les choses par le troisième genre de connaissance, plus il désire comprendre les choses par ce même genre de connaissance.

Prop. 27 : De ce troisième genre de connaissance naît la plus haute satisfaction d’Esprit [de l’esprit] qu’il puisse y avoir.

Prop. 28 : L’effort ou désir de connaître les choses par le troisième genre de connaissance ne peut naître du premier genre, mais il le peut assurément du deuxième.

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Zhong Yong