REIMS QI GONG, Dào Jiāo
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Le Bàopuzi - Quelques courts extraits

Le Baopuzi est un ouvrage inclassable supposément écrit par un dénommé Bao Pu, mais dont les chapitres internes qui traitent du taoisme sont attribués à Ge Hong (283-343), probablement écrit et révisé au début du IVème siècle. Dans les premiers extraits présentés ici, il résume en particulier les deux visions de l'humanité primitive qu'on retrouve tout au long de l'histoire chinoise et qui s'affontent dès l'époque des Royaumes Combattants : un contradicteur défend ainsi une thèse naturaliste (Jean Lévi) et Bao Pu s'insurge contre cette vision...

Chapitre I

- "Il y a avait alors ni prince, ni vassal ; on creusait des puits pour boire et on labourait la terre pour se nourrir. On réglait sa vie sur le soleil [...] De gloire et d'infamie point. Nuls sentiers ni tranchées ne défiguraient les montagnes. Il n'existait ni barques ni ponts sur les cours d'eau. Les vallées ne communiquaient pas et personne ne songeait à s'emparer de territoires" Le monde était un paradis où "le phénix se posait dans les cours des maisons et les dragons s'ébattaient en troupeaux dans les parcs et les étangs [..] On pouvait marcher sur la queue des tigres et saisir dans ses mains des boas. Les mouettes ne s'envolaient pas quand on traversait les étangs ; les lièvres et les renards n'étaient pas saisis de frayeur quand on pénétrait dans la forêt. Malheurs et troubles, guerres et épidémies étaient inconnus [...] On bâfrait et on s'esclaffait, on se tapait sur le ventre et on s'ébaudissait !"
- "Tantôt groupés en essaims comme des oiseaux et perchant dans des nids, tantôt solitaires et tapis dans des cavernes comme les bêtes sauvages, les hommes mangeaient les poils et les plumes avec la chair, buvaient le sang et se vêtaient de feuilles d'arbres [...] L'égalité provoquait la guerre et les hommes s'entre-égorgeaient, chacun ne pensant qu'à son propre intérêt.




Chapitre XIII

Quelqu’un me demande : « Les Immortels d’autrefois devaient-ils apprendre, ou bien étaient-ils doués d’une nature particulière, animés d’un souffle différent ? »
Je réponds : « Quelle question est-ce donc là ? Tous sans exception suivaient un maître, leurs livres sur le dos. Ils devaient se montrer durs à la tâche, supporter le froid, affronter le danger, braver le vent et la pluie ; ils devaient asperger et balayer le sol, et loin des leurs, travailler sans relâche. Ils devaient commencer par se montrer dignes de confiance à travers leur comportement, et finir par des épreuves difficiles et dangereuses. S’ils étaient d’une nature sincère et de conduite vertueuse, si leur cœur n’abritait ni ressentiment, ni arrière-pensée, alors ils pouvaient gravir les marches du temple et en pénétrer la salle. Mais certains se lassent et abandonnent à mi-chemin, d’autres se retirent, pleins de rancœur, il en est qui, attirés par la gloire et le profit, retournent à des occupations viles, il en est d’autres qui, trompés par des discours pernicieux, perdent leur peu de volonté, d’autres encore qui, commençant le matin, voudraient avoir terminé le soir, d’autres enfin qui s’asseyent pour travailler et espèrent un résultat en se relevant. Un homme sur dix mille tout au plus peut empêcher son cœur de battre à la vue de l’argent et des femmes, et sa volonté de faiblir en entendant les propos du vulgaire. Voilà pourquoi ceux qui s’adonnent à la Voie sont aussi nombreux que les poils sur le dos d’un buffle, et ceux qui réussissent aussi rares que la corne de la licorne.
   « Tout l’effort de celui qui tend son arbalète n’a d’effet que si sa flèche part »
et les précautions du voyageur ne sont récompensées que s’il parvient de l’autre côté du fleuve.     Creuser un puits sans atteindre la source équivaut à ne rien creuser. S’arrêter à un pas du but équivaut à ne jamais prendre le départ. L’on ne mesure pas la durée d’un long voyage à l’aulne de l’ombre qui se déplace avec le soleil. Un simple tas de terre ne vous permettra jamais d’atteindre le ciel. De même que celui qui entreprend l’ascension d’une montagne craint de voir ses forces l’abandonner près du sommet, celui qui s’adonne à la Voie peut voir sa volonté faiblir alors que le but est proche. On ne remplit pas mille greniers et dix mille coffres avec le fruit d’un seul labour, et un arbre qui atteint le ciel ne pousse pas en dix jours. De simples ruisseaux sont à l’origine des lacs les plus profonds, et Tao et Bai ont accumulé cent après cent, mille après mille pour bâtir leur fortune. Ainsi, si Yin Zi a tout appris de la Voie, c’est parce qu’il a persévéré quand les autres abandonnaient. Si Xian Men est arrivé à chevaucher nuages et dragons, c’est parce qu’il fut aussi attentif au terme qu’au commencement. Si ma volonté est ferme et sincère, que m’importent les autres ? »
Non seulement l’homme du commun est incapable de prendre soin de son principe vital, mais de plus il s’emploie à le détruire. De même que les eaux de tous les fleuves ne peuvent remplir un vase sans fond, un bien en quantité limitée ne peut subvenir à un usage sans fin. Qui reçoit peu et dépense beaucoup ne peut déjà subvenir à ses propres besoins, encore moins celui qui ne reçoit rien et dépense des mille et des cents ! Chaque être, jeune ou vieux, est sujet à la maladie, la seule différence réside dans le degré de celle-ci. Mais chacun de nous reçoit sa part de souffle, grande ou petite : qui en a reçu beaucoup mourra tard, qui en a reçu peu connaîtra une fin rapide.
   « Ceux qui connaissent la Voie remédient à cela en le renforçant. »
Il faut commencer par en recouvrer la quantité originelle, puis rechercher le bénéfice d’un accroissement de sa quantité. S’il suffisait de prendre un élixir pendant une journée pour voir son corps s’envoler, de pratiquer le Dáoyin le temps d’une lunaison pour que des plumes de toutes tailles commencent à vous pousser, alors plus personne sur terre ne douterait de la Voie. Des dépenses considérables et continues suite à un gain infime et encore fragile, voilà ce qu’il faut craindre, tout comme l’attaque du gel sur une plante mal enracinée. Ceux qui ne savent pas que l’erreur vient d’eux-mêmes disent que la Voie n’est d’aucun effet, et abandonnent drogues et Tuina. C’est pourquoi il est dit :
« ce n’est pas tant la longue vie qui est difficile, c’est d’entendre la Voie qui est difficile ; ce n’est pas tant d’entendre la Voie qui est difficile, c’est de la pratiquer (xíng) qui est difficile ; ce n’est pas tant la pratiquer qui est difficile, c’est de la mener à son terme qui est difficile ».
Un bon artisan peut donner son équerre et son compas, mais ne peut garantir qu’on sera habile à les manier, de même, un maître éclairé peut transmettre ses traités, mais ne peut s’assurer qu’ils seront mis en pratique. Car pratiquer la Voie est semblable à semer des céréales, et le succès semblable à leur récolte. L’on peut avoir des champs fertiles, de l’eau en abondance, si l’on ne fait pas les choses en temps, si l’on ne laboure ni retourne la terre, si lorsque les cultures sont mûres et recouvrent les talus l’on ne les coupe, ni ne les récolte, quelle que soit l’étendue des champs, cela équivaudra à ne rien posséder.
L’homme ordinaire ne sait pas reconnaître ce qui lui est bénéfique, pis encore, il ne sait pas reconnaître ce qui le lèse. Pourtant ce qui nous lèse est facile à reconnaître et a des effets rapides, ce qui nous est bénéfique est au contraire difficile à reconnaître, et n’agit que lentement. Si l’homme ne perçoit pas ce qui est aisé, comment pourrait-il reconnaître ce qui est difficile ? Celui qui perd est comme la bougie dont le suif s’épuise : il ne le voit pas, et tout à coup s’épuise. Celui qui gagne est comme les céréales que l’on sème ou les pousses que l’on met en terre : sans qu’on s’en aperçoive, les voilà soudain florissantes. C’est pourquoi
    « celui qui prend soin de son corps et cultive sa nature est attentif au détail. »
De même que l’on ne devrait pas négliger un petit bénéfice sous prétexte qu’il est petit, on ne devrait pas sous-estimer une petite perte en nous disant qu’elle ne nous atteindra pas.
C’est en mettant ensemble de petites choses que l’on en réalise de grandes, c’est en accumulant des unités que l’on arrive aux millions.
« Celui qui est capable de prendre soin de ce qui est infime pour le transformer en quelque chose de manifeste, celui-là est proche de la Voie. »
Quelqu’un me demande : « Y eut-il autrefois des hommes devenus immortels par hasard, sans qu’ils eussent à travailler ?
Je réponds : « Non. Les uns ont suivi un maître éclairé, et ont vu leurs mérites et leur labeur récompensés par un élixir déjà composé, les autres ont reçu les formules secrètes et les ont réalisées eux-mêmes. Mais ce qu’ils faisaient restait ignoré des hommes, ce qu’ils disaient ne parvenait pas aux oreilles du vulgaire. Ceux qui ont consigné ces hommes dans les livres n’ont retenu que leur nom, et il est impossible de savoir précisément de quelle façon ils sont devenus immortels, car les informations nous font défaut. Jadis, l’Empereur Jaune, qui savait parler en naissant et commandait à tous les esprits, était un être naturellement doué par le Ciel, or même lui n’aurait pu réaliser la Voie en restant assis. C’est pourquoi il lui fallut gravir le mont Wangwu pour y recevoir les traités d’alchimie, se rendre au lac du Chaudron pour faire voler la perle ondoyante, gravir le mont Kongtong et s’enquérir auprès de Guangcheng, se rendre à Juci pour servir Da kui, aller au pic de l’Est pour assister Zhonghuang, pénétrer la vallée d’or pour demander conseil à Juan Zi. Il dut s’informer de l’art de cultiver la Voie auprès de Xuan Nü et Su Nü, se perfectionner en astronomie en rendant visite à Shanji et Limu, se renseigner auprès de Fenghou sur les présages célestes, recevoir les enseignements de Lei et Qi afin de pénétrer l’art médical, adopter la tactique des cinq notes dans l’étude de la guerre, consigner les paroles de Baize pour tout connaître des esprits et des démons, transcrire les récits de Qingwu sur la géographie, rassembler les savoirs des forgerons pour venir au secours des blessés et des mutilés. C’est ainsi qu’il put rassembler tout ce qui était secret et essentiel, tout apprendre de la Voie et des Immortels, pour s’élever enfin sur le dos d’un dragon et connaître l’éternité du ciel et de la terre. De plus, les livres des Immortels rapportent tous que l’Empereur Jaune et Lao Zi se mirent au service de Taiyi Yuanjun afin de recevoir de lui les formules importantes. Comment des hommes inférieurs à ces deux seigneurs pourraient-ils spontanément devenir Immortels et passer le monde ? Je n’ai jamais entendu parler d’une telle chose.
C’est là, d’après le Shiji, que l’Empereur Jaune aurait été enterré.
Quelqu’un dit : « Si l’Empereur Jaune est réellement devenu immortel, pourquoi aurait-il un tombeau à Qiaoshan ? »
Je réponds : « Le Livre de la montagne aux ronces et les Mémoires sur la tête de dragon disent tous deux qu’après que l’Empereur Jaune eût absorbé le divin cinabre, un dragon vint le chercher. Tous ses ministres le regrettèrent, et aucun ne pouvait détacher ses pensées de lui. Les uns lui firent élever un temple, dans lequel ils entreposèrent sa table et sa canne et lui rendirent des sacrifices, d’autres firent une sépulture à sa robe et à sa coiffe afin de les préserver. Il est dit par ailleurs dans les Biographies des Immortels » :
« L’Empereur Jaune choisit lui-même le jour de son départ. Il partit soixante-dix jours, et au terme de ces soixante-dix jours revint. Il fut enterré à Qiaoshan. Un jour, son tumulus s’écroula. Sa tombe était vide. Nulle trace de son corps, seules demeuraient son épée et ses chaussures. »
Bien que les témoignages ne soient pas tous identiques, ils se rejoignent sur l’essentiel : il est bien devenu Immortel. Nombreux sont les ouvrages taoïstes et philosophiques attestant que l’Empereur Jaune devint Immortel. Mais les confucianistes refusent de prêter foi au merveilleux et à l’étrange, d’emprunter des chemins différents des leurs. Ils travaillent aux rites et à l’éducation, estimant que ce qui se rapporte aux Divins Immortels ne doit pas être enseigné au vulgaire. Voilà pourquoi ils prétendent qu’il est mort, afin de couper court aux penchants du peuple. Des hommes comme Zhu Yi, Luan Ba ou Yu Gong se sont vu édifier des temples de leur vivant, car ils s’étaient montrés les bienfaiteurs du peuple. D’autres hommes vertueux des temps anciens ont vu, après leur mort, leurs mérites gravés par leurs sujets sur des bronzes indestructibles. Aujourd’hui encore, le peuple reconnaissant dresse souvent des stèles commémorant les vertus des administrateurs de l’Empire lorsque ceux-ci sont appelés vers d’autres postes. L’existence d’un tombeau et de temples dédiés à l’Empereur Jaune relève des mêmes principes, et ne constitue certainement pas une preuve de sa mort.
Quelqu’un me demande : « S’il existe vraiment une voie menant à l’immortalité, comment se peut-il que Peng Zu, qui vécut huit cents ans, et Anqi, qui vécut trois mille ans, aient dépassé la longévité des autres hommes sans parvenir à la condition d’Immortel ? N’est-ce pas là la preuve que chacun de nous reçoit avec la vie une certaine quantité de souffle, qui fait que celle-ci sera longue ou brève ? Et que ces deux hommes en reçurent par hasard une grande quantité, mais ne parvenant pas à prolonger leur vie davantage, ne purent échapper au déclin et à la mort ? »
Je réponds : « D’après le Livre de Peng Zu, celui-ci vécut sous l’empereur Ku, puis fut au service de Yao, et grand officier sous les dynasties Xia et Yin. Le roi de Yin envoya l’une de ses concubines apprendre les arts de la chambre à coucher auprès de lui. Son apprentissage se révéla efficace, et le roi décida de tuer Peng Zu afin que celui-ci ne transmît son savoir à aucune autre personne. Peng Zu pressentit la chose et s’enfuit. Il avait alors sept ou huit cents ans, mais ce départ ne fut pas sa mort. Les Chroniques du duc Huang Shan disent que plus de soixante-dix années après son départ, ses disciples l’auraient aperçu à l’ouest de Liusha. Il est donc clair qu’il n’était pas mort. De plus, Qingyi Wugong, Heixue Gong, Xiumei Gong, Baitu gongzi, Lilou Gong, Taizu Jun, Gaoqiu Zi, Bukenlai, tous disciples de Peng Zu, vécurent plusieurs centaines d’années avant de devenir Immortels et disparaître, sous la dynastie Yin. Pourquoi Peng Zu, leur maître, aurait-il accepté de mourir ? Du reste, il est dit également dans les Biographies des Immortels consignées par Liu Xiang que Peng Zu est bien un Immortel. Quant à Maître Anqi, les habitants de Langya, génération après génération, le voient vendre ses médecines près de la mer, depuis maintenant mille ans. Qin Shihuang l’avait invité à s’entretenir avec lui, et leur conversation avait duré trois jours et trois nuits. Ses propos élevés, ses nobles desseins, son savoir vaste et sûr émerveillèrent Shihuang, qui lui offrit plusieurs milliers d’onces d’or et de jade. Anqi les accepta et les déposa au pavillon de Fuxiang. Il offrit en retour à l’Empereur une paire de chaussures de jade rouge, accompagnée d’un mot qui l’enjoignait à venir le voir sur les monts Penglai, lorsque quelques milliers d’années auraient passé. Cette histoire montre qu’il était déjà âgé de mille ans lorsqu’il rencontra Shihuang, et qu’il n’était donc pas mort. De plus, Shihuang, homme orgueilleux et violent, était le moins enclin du monde à croire aux Divins Immortels, et ne supportait pas les personnes qui lui répondaient autre chose que ce qu’il désirait entendre. Lorsqu’il questionna Anqi sur l’immortalité, celui-ci sut trouver les mots justes qui lui firent prendre conscience de son erreur, et l’amenèrent à croire qu’il existe sur terre une Voie des Immortels. Non seulement l’Empereur lui offrit une récompense généreuse, mais de plus il conçut le désir sincère d’apprendre les secrets de l’immortalité. Cependant, comme il n’avait aucun maître éclairé, il fut abusé et trompé par des gens comme Lu Ao et Xu Fu, et de ce fait ne put parvenir à quoi que ce soit. Si Maître Anqi avait tenu des propos dénués de réalité, trois jours et trois nuits eurent été suffisants pour épuiser ses arguments et le démasquer. Alors Shihuang l’aurait fait ébouillanter sur le champ ou tuer d’une manière ou d’une autre. Bref il n’aurait pu échapper au chaudron ou à la planche à découper. Aurait-il été en même temps gratifié de généreux présents ? »
Je réponds : « Ceux qui ne possèdent pas l’or et le cinabre et se contentent de prendre des herbes médicinales ou de se livrer à des petites pratiques peuvent allonger leurs années et retarder leur mort, mais ne deviennent pas Immortels. Les uns ne connaissent que les plantes et ignorent la science importante qui retourne les années : ceux-là ne connaîtront jamais les principes de la longue vie ; les autres ne savent pas qu’il faut porter des talismans divins, observer des interdits, méditer sur les dieux du corps, grader l’Un véritable ; ceux-là peuvent éviter tout au plus l’apparition de maux internes, et échapper aux méfaits du froid et de l’humidité. Mais que soudain esprits malins, êtres maléfiques, démons des montagnes ou maléfices des rivières s’en prennent à eux, et c’est la mort. Ou bien ils ignorent les règles que l’on doit observer pour pénétrer les montagnes, et s’attirent les malheurs des esprits qui les habitent. Ils sont alors mis à l’épreuve par les démons, blessés par les bêtes sauvages, attaqués par les bêtes venimeuses des rivières, mordus par les serpents, bref s’exposent à plus d’un danger mortel. Ou bien ils s’adonnent à la Voie au soir de leur vie, et peuvent difficilement compenser les graves dommages qu’ils se sont déjà infligés. Le bénéfice de cette compensation n’a pas le temps d’être consolidé que la maladie réapparaît. Comment peut-on espérer accéder à la longue vie en se livrant à des activités gravement dommageables ? Pourquoi est-il maintenant des personnes qui suivent la Voie à un âge avancé et deviennent Immortelles, et d’autres qui commencent jeunes et n’y parviennent pas ? Les premiers, bien qu’avancés en âge, ont reçu dès leur origine une grande quantité de souffle. Cette grande quantité de souffle leur a permis de limiter leurs pertes. Leurs pertes étant limitées, il leur était facile de le développer. Leur étant facile de le développer, elles sont devenues Immortelles. Les seconds, bien que jeunes, ont reçu au départ une faible quantité de souffle. Leur quantité de souffle étant faible, les pertes sont graves. Les pertes étant graves, elles sont difficiles à réparer. Etant difficiles à réparer, ils ne parviennent pas à l’immortalité. Prenez l’hibiscus et le saule : coupez-les et plantez-les, ils repartiront. Plantez-les à l’envers, ils pousseront, plantez-les couchés, ils pousseront aussi. Il n’est rien de plus facile à faire pousser que ces deux espèces d’arbres. Cependant, si vous ne les plantez que superficiellement, et si peu après vous les entaillez, les écorcez, les secouez, les tirez, même en les entourant de la terre la plus fertile et en les humectant de rosée printanière, vous ne pourrez éviter qu’ils se dessèchent et meurent, car n’ayant ni racines solides, ni assez de temps pour avoir des pousses, leur sève n’est pas parvenue à produire l’énergie qui les aurait fait vivre. Le corps de l’homme, comparé à ces deux arbres, est infiniment plus facile à léser, et infiniment plus difficile à cultiver. Les dommages qu’il subit sont plus graves que des entailles ou des écorçages, plus violents que des secousses ou des tiraillements. Lorsque si peu de choses lui viennent en aide et que tant de choses l’accablent, il est normal qu’il s’achemine vers la mort.
Lorsque l’on expire l’air vieux et que l’on inspire l’air neuf, on augmente le souffle par le souffle. Or, celui dont le souffle est grandement affaibli trouvera difficile de l’augmenter. Lorsque l’on pRénd des médecines, on fortifie son sang par le sang. Or, celui dont le sang est presque épuisé trouvera difficile de le fortifier. Lorsque après avoir couru l’on est essoufflé, l’on tousse et se sent oppressé ; lorsque après un effort violent l’on se sent fébrile et à court, cela est signe d’une perte de souffle. Lorsque le visage est pâle et sans couleur, que la peau est sèche et crevassée, que les lèvres sont desséchées, le pouls faible, que les muscles sont flétris, cela est preuve d’anémie. Si ces deux types de symptômes apparaissent à l’extérieur, c’est que les racines mêmes de la vie sont affaiblies. Sans remède puissant, un malade parvenu à ce stade ne peut être sauvé. Ceux qui s’adonnent à la Voie sans succès, ceux qui cherchent à protéger leur santé mais finissent par trouver la mort, ceux-là ont du souffle, ont du sang, mais la source de ce qui produit le souffle et le sang dans leur corps est tarie, il n’en reste plus qu’un mince filet. Cela est comparable à un objet enflammé que l’on plonge dans l’eau : les flammes s’éteignent, mais la fumée ne cesse pas immédiatement ; ou à un arbre que l’on abat, et dont les tiges et les feuilles continuent de pousser : le premier produit bien de la fumée, le second produit bien des feuilles, même si ce qui est à l’origine de la fumée, ce qui est à l’origine des feuilles, n’est plus. Les hommes pensent qu’ils sont malades le jour où ils commencent à se sentir malades : c’est comme si l’on considérait son dernier souffle comme l’annonce du déclin. Ils incriminent tantôt le vent glacial, tantôt la chaleur humide, sans savoir que ni l’un ni l’autre ne peuvent atteindre un corps robuste, et que seuls les individus affaiblis et manquant de souffle, incapables de les supporter, sont atteints par leurs attaques. Illustrons cela : imaginez plusieurs personnes de même âge et de même constitution, et nourries de même façon, se Réndant dans un désert. Elles y affrontent des nuits glacées, sentent la neige tomber sur elles, la glace se former à leurs pieds, sont effrayées la nuit par la bise qui casse les branches, et voient leurs postillons geler sur leurs lèvres quand ils toussent. Parmi ces personnes, seules quelques-unes seront victimes du froid, toutes ne tomberont pas malades. Ce n’est pas que le froid soit partial, c’est simplement que certaines personnes n’ont pas la résistance nécessaire. De la même façon, si tous absorbent la même nourriture et qu’un seul tombe malade, cela ne signifie pas que la nourriture est partiale dans sa nocivité. Si tous boivent dans la même coupe, les uns demeureront lucides, les autres seront ivres. Cela ne veut pas dire que la force de l’alcool varie de l’un à l’autre. S’ils affrontent ensemble la canicule, un seul peut-être mourra d’insolation, et pourtant la chaleur du ciel ne fait pas de distinction. S’ils prennent ensemble le même remède et que certains en ont la vue troublée et se sentent oppressés, ce n’est pas parce que sa toxicité préfère les uns aux autres. C’est pourquoi lorsqu’un vent violent souffle sur les forêts, les branches mortes sont les premières à casser ; lorsque de grandes vagues assaillent les falaises, les pans fissurés sont les premiers à s’écrouler ; quand le feu embrase la plaine, les herbes sèches sont les premières à s’enflammer ; lorsque paniers et bols tombent à terre, seuls les plus fragiles se cassent. Ceux qui ignoRént la Voie abritent en permanence la maladie, et le vent, le froid, la chaleur ou l’humidité ne font que la révéler. Si l’on parvient à prévenir le déclin du souffle originel, à faire que le corps et l’esprit se protègent l’un l’autre, rien ne peut plus vous atteindre. Ceux qui s’adonnent à la Voie regrettent généralement de commencer trop tard, jamais d’avoir commencé trop tôt. L’homme jeune, confiant dans son âge et sa force, éprouve son corps inconsidérément. C’est alors que les cent maux pRénnent forme, et que son destin risque de ressembler à la rosée du matin. Si, à défaut d’une grande médecine, il se contente de pRéndre des herbes et des plantes, il verra une difféRénce d’avec les hommes ordinaires, mais ne pourra faire reculer la grande limite. C’est pourquoi il est dit dans les Livres des Immortels :
    L’important, dans l’art de cultiver la vie (Yǎng Shēng), est d’éviter ce qui est dommageable. »
Cette parole est essentielle. Shennong disait : « Comment parviendrez-vous à la longue vie si vous ne venez d’abord à bout des cent maux ? » Est-il rien de plus sensé que ces paroles ?
Quelqu’un demande : « Serait-ce le désir charnel que vous entendez, lorsque vous parlez de ce qui est dommageable ? »
Je réponds : « Il ne s’agit pas que de cela. Cependant, le plus important dans la quête de la longue vie est la voie du Rénversement des années. L’homme supérieur la connaît, et peut grâce à elle rallonger ses années et extirper la maladie. Elle permet au moins de ne pas porter atteinte à son propre corps. Celui qui appRénd à Rénverser les années alors qu’il est encore jeune et fort, Rénforce son cerveau en pRénant l’élixir yin et en recueillant l’eau de jade dans la longue vallée. Sans pRéndre de drogues, il n’en gagnera pas moins cent ou deux cents ans, mais ne deviendra pas immortel. Les Anciens comparaient celui qui n’a pas cette science à une coupe taillée dans de la glace et dans laquelle on verserait une soupe brûlante, ou bien à une lanterne faite de plumes dans laquelle on déposerait une flamme.
Par ailleurs, penser sans cesse à ce dont on est incapable est dommageable ; essayer de soulever ce que vos forces ne vous permettent pas de soulever est dommageable ; la tristesse et la mélancolie sont dommageables ; l’excès de joie est dommageable ; se laisser entraîner par ses désirs est dommageable ; s’apitoyer sur ses souffrances est dommageable ; parler et rire trop longtemps est dommageable ; manquer de régularité dans le sommeil et le repos est dommageable ; tirer à l’arc ou à l’arbalète est dommageable ; s’enivrer jusqu’à vomir est dommageable ; se coucher immédiatement après s’être rempli le ventre est dommageable ; avoir le souffle court de trop courir ou sauter est dommageable ; les cris de joie et les pleurs sont dommageables ; l’absence de commerce entre le Yin et le Yang est dommageable. Accumuler les préjudices jusqu’à l’épuisement, c’est aller à une mort précoce. Or une mort précoce n’est pas la Voie.
Ainsi celui qui cultive son principe vital ne vise pas loin en crachant, ne marche pas d’un pas rapide, ne fatigue ni son oreille ni sa vue, ne reste pas assis trop longtemps, ne reste pas couché jusqu’à être fatigué. Il se couvre avant l’arrivée des premiers froids et se découvre avant les premières chaleurs. Il n’attend pas d’être affamé pour manger, et lorsqu’il mange, le fait sans excès. Il n’attend pas d’être assoiffé pour boire, et lorsqu’il boit, boit sans excès. Manger avec excès provoque des grosseurs. Boire avec excès provoque des amas de mucosités. Il ne faut d’excès ni dans le travail ni dans le repos, il ne faut pas se lever tard, il ne faut pas transpirer trop abondamment, il ne faut pas trop dormir, il ne faut pas aller à des allures folles en voiture ou à cheval, il ne faut pas fatiguer ses yeux en scrutant le lointain, il ne faut pas manger trop de nourritures crues ou froides, il ne faut pas s’exposer au vent après avoir bu de l’alcool, il ne faut pas se laver les cheveux ni le corps trop souvent, il ne faut pas avoir d’ambitions démesurées, il ne faut pas chercher à acquérir des choses extraordinaires. En hiver, il ne faut pas rechercher une chaleur excessive, en été, il ne faut pas rechercher une trop grande fraîcheur, il ne faut pas dormir sous les étoiles, il ne faut pas se coucher les épaules découvertes, il ne faut affronter ni les grands froids, ni les grandes chaleurs, ni les grands vents, ni les grands brouillards. Il ne faut abuser d’aucune des cinq saveurs, car trop d’acidité nuit à la rate, trop d’amertume nuit aux poumons, trop d’âcreté nuit au foie, trop de sel nuit au cœur, et trop de sucre nuit aux reins. Ceci est la loi naturelle des cinq éléments. Ce qui est dommageable ne se ressent pas immédiatement : c’est à long terme que notre longévité en est affectée. C’est pourquoi celui qui pRénd soin de sa vie se couche et se lève aux heures dictées par les saisons, et observe toujours la règle de l’harmonie dans le travail et le repos. L’exercice lui permet de Rénforcer ses os et ses muscles, la respiration lui permet d’arrêter les maladies et de se prémunir des influences néfastes, les méthodes fortifiantes et dispersantes lui permettent de réguler la circulation des souffles nourriciers et défensifs. Enfin, savoir donner et pRéndre de manière judicieuse lui permet d’équilibrer économie et dépense, travail et repos. Il faut réprimer ses sentiments de colère, afin de ménager son souffle Yin, et ses sentiments de joie afin de Renforcer son souffle Yang. Alors seulement on pourra commencer à prendre les remèdes à base de plantes pour combler ses caRénces, enfin l’on absorbera l’or et le cinabre pour se fixer dans l’éternité. Les principes de la longue vie se résument à cela. Mais essayez de le faire entendre à l’homme qui a décidé de donner libre cours à ses désirs, qui prétend tout savoir et tout connaître, qui ne s’intéresse pas aux choses qui lui sont étrangères, qui épuise ses passions et ses forces, bref qui ne recherche pas la longue vie, il demeurera sourd et aveugle, même si le vent hurle à ses oreilles, même si l’éclair passe devant ses yeux. C’est sans regrets qu’il voit son corps s’étioler au milieu des plaisirs, et qu’il pousse son dernier soupir entouré de soie. Comment pourrait-on l’instruire des façons de pRéndre soin de sa vie ? Non seulement il refuserait, mais de plus il les qualifierait d’hérésie. C’est ce que l’on appelle donner un miroir à un aveugle, ou tenter de distraire un sourd en lui jouant de la musique. »


Chapitre XXXVII

Qian possède la bienveilance (Rén) ainsi que la clarté (Míng); Kun a le bienveillance mais pas la clarté.

Les insectes, mouches et les vers rampent. Ils ont également capables de bienveillance. Ainsi leur préoccupation et leur amour augmentent quand ils nourrissent les jeunes et leur chagrin et leur peine se manifestent par leurs appels.
N'étant pas soupçonneux, il vont pénétrer dans des trous et dans des puits et entrer sans s'en Réndre compte dans des pièges et des filets. Ils ont de la bienvellance, mais pas de clarté. Par suiteils couRént ensemble au désastre et se précipitent dans des erreurs fatales.
Seul un sage combine la puissance et le Ciel.

[Les humains] ont utilisé le feu pour jeter de la lumière dans l'obscurité et transformer la nourriture crue. Ils ont attaché colonnes et poutres pour éviter de vivre dans des nides ou des cavernes. Ils ont sélectionné les graines à planter afin de les substituer à la brûlure des poisons. Ils ont tissé des vêtements et des habits pour ne plus être nus ou tatoués. Ils ont utilisé des bateaux et des rames pour traverser ce qui était auparavant impossible. Ils ont utilisé des boeufs et des chevaux pour cesser d'avoir à marcher en portant des choses sur leur dos. Ils ont défini des rangs et l'autorité pour éradiquer les désastres et le chaos... Ils ont établi les rites et les règles por construire le respect des coutumes et des enseignements. Tout cela provient de la grande clarté.
La clarté est une faculté (Cái), la bienveillance est une pratique (Xíng).

En général, la clarté manque aux créatures terrestres et n'est à trouver que dans le céleste...
Baopu Zi dit : La bienveillance réside dans la (Xíng). La pratique peut être accomplie au travers de l'effort, alors que la clarté relève de la divinité (Shén). C'est forcément une faculté accordée par le Ciel ; ce n'est pas quelque chose qu'on puisse apprendre (Xun).


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Zhong Yong   Zhi