L'idéogramme « Yǒu » est très présent dans les textes anciens, en particulier, dans le Laozi où il apparaît notamment en opposition avec le terme de « Wú ». Rappelons opportunément ce qu'Anne Cheng précise sur le sens à y entendre à propos des deux termes Wú (Ne pas, sans, il n’y a pas) et Yǒu (il y a) :
Dans le vocabulaire courant des textes de la période pré-impériale, « Wú », étant la négation de « Yǒu » (avoir, y avoir, il y a), signifie « ne pas avoir», « ne pas y avoir », « il n'y a pas ». Mais cet aspect négatif ne doit pas conduire à comprendre dans tous les cas « Wú » comme « néant » ou « nihil ». Si « Yǒu » désigne « ce qu'il y a », « Wú » ne se réduit pas toujours à « ce qu'il n'y a pas », mais peut également désigner ce qui « n'a pas » les caractérisations, les déterminations ou la finitude de l’« il-y-a ».
ce qu'illustrent ces deux versets du Laozi (Chap.1).
qu'on peut traduire par :
« Sans Nom il (Dào) est le commencement du Ciel et de la Terre
Nommé, il est la mère des six mille êtres.
» ou encore par
« Sans nom, il représente l'origine de l'univers
Avec un nom, il constitue la Mère de tous les êtres.
»
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En effet, plusieurs commentateurs (il y a plus de 700 commentateurs du Laozi) ont interprété le rapport entre
Wú et
Yǒu sous cet angle : selon eux ces deux termes représentent indubitablement le rapport entre le corps et l’esprit (ou la nature). Ainsi, le corps se présente à l’homme comme l'intermédiaire, voire comme l'outil lui permettant de comprendre sa nature et de réaliser sa mise en pratique dans la vie, soulignant le rôle du Daoyin, la pratique passant par le corps, et indiquant clairement dans la foulée le véritable objectif de la pratique (Qi Gong)...
Ainsi, l'expression ci-dessus figurant au chapitre 1 du Laozi qui peut être rendu de manière satisfaisante par
:
«
[…] l'avoir permet l'utilité, le non-avoir, l'usage. » peut également être traduite par
«
[…] “il y a” constitue la possibilité de toutes choses ; “il n’y a pas” constitue sa fonction. »
En outre, il est intéressant de noter que parmi les commentateurs éminents, Han Shan soutient qu’à travers cette phrase, Laozi exprime le fait que l’homme ne connaît que l’utilité du corps qui a une forme et qu’il ignore son esprit, sans forme et vide. Cependant, comme l’esprit est intangible et invisible, pour le comprendre, il est indispensable de s’appuyer sur ce qui est visible et tangible, à savoir le corps, pour examiner les choses...